Chemins tracés T2: Siro

C’est toujours avec un immense plaisir que je me rends chez mes Super-Libraires pour faire l’acquisition d’un nouveau volume de Solo. Le titre d’Oscar Martin est sans nul doute un pur chef-d’œuvre du neuvième art. Sa série dérivée Chemins Tracés éditée aux éditions Delcourt ne déroge pas à la règle. Avec la parution de Siro, le surdoué espagnol et son comparse Alvaro Iglesias enrichissent un univers déjà foisonnant, sa lecture se révèle particulièrement affriolante.

Après avoir veillé au chevet de son grand-père agonisant, Fortuna récupère le rôle de son père en intégrant la guilde des scripteurs. Ce clan de félins observe et explore un monde en ruine. Sa tâche consiste à consigner un maximum d’informations à l’aide de carnets de voyage afin de guider les futures générations, établir des règles et techniques de survie en milieu hostile car le danger peut surgir de n’importe où.  

Suite à sa rencontre avec Cervantès sur l’île des détritus, Fortuna donna naissance à une fille Nova qui suit sa mère dans l’aventure. Pendant leurs voyages, elles ont la désagréable sensation qu’on les épie et restent sur le qui-vive. Malgré tout, nos deux minettes poursuivent la mission en famille en remplissant consciencieusement leur guide du routard orné de cuir. Fortuna et Nova ont été clairvoyantes, un individu singulier aux pattes de velours, oreilles de sphinx et regard de lynx traîne dans leur sillage. Font-elles face à un ami où à un ennemi issu d’une tribu rivale ?

 Oscar Martin enrichit sa saga anthropomorphique post-apocalyptique. Exit le rat et chien guerriers, il garde une trame similaire mais offre un point de vue scénaristique différent. Ce spin-off regorge autant d’action et de multiples rebondissements que le titre principal, Chemins Tracés et Solo s’imbriquent à merveille en représentant les deux faces d’une même pièce. L’histoire retient l’attention, elle captive l’esprit. Cette fable de type «survivor» est joliment écrite, les personnages sont étoffés et donnent simplement envie de lire. Le lecteur se prend d’affection pour ces mammifères à poils doux et se passionne pour les épreuves qu’ils traversent. L’auteur leur injecte tellement d’humanité, qu’on en occulte complètement le côté animalier. Cette création de papier est fascinante, le bédéiste se laisse border par son imaginaire et rédige sa propre mythologie.

Oscar Martin sait s’entourer de collègues aussi talentueux et généreux que lui. Alvaro Iglesias croque une esthétique fabuleuse voire magique, le découpage est léché. La fougue graphique guette à chaque case puisque l’illustration se base sur la technique du mouvement constant. L’artiste caresse les planches du bout du crayon, il y règne un doux parfum old-school de fluidité d’animation japonaise et de lignes majestueuses des grands studios américains. Le crayonné est vivant, bien en chair. L’expressivité domine, elle peut être à la fois d’une douceur déchirante et d’une violence désarçonnante. Les décors affichent un pur style minéral, ils se composent sous forme de blocs fantomatiques naturalistes. La colorisation est immersive jusqu’à l’asphyxie, les pigmentations mettent en pièces le séquençage. Soit elles transpirent sous une chaleur de plomb soit l’emploi de teintes hivernales transperce le gaufrier. L’effet de fine pellicule de brume numérique donne la chair de poule sans parler de l’épaisse couche de pluie radioactive et boueuse qui inonde la mise en scène à diverses reprises. Les nuances ne sont pas seulement présentes pour embellir le graphisme, elles deviennent un élément indissociable pour créer un climax puissant. La pagination démontre la maestria de l’école espagnole.

En conclusion, j’entends déjà certain(e)s me dire : «Ouais, moi j’préfère Blacksad !». D’autres s’exclamer : «Ben le must, c’est Le Château des Animaux !». Perso, je kiffe Solo…y’a pas photo !

Chronique de Vincent Lapalus.        

© Delcourt, 2023.

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