Attention ! Cet album édité par Le Lombard ne vous laissera pas indifférent !
L’histoire, inspirée d’un conte traditionnel, se déroule dans un Japon féodal et mythique. Alors que le mal se réveille en la personne d’un terrible et gigantesque oni (démon), la seule personne pouvant s’opposer à lui est Issunboshi , un jeune garçon de quelques centimètres de haut (Issunboshi signifie à peu près « guerrier d’un sun », un sun valant environ 3 cm) mais doué d’une force extraordinaire. Inutile de dévoiler plus avant l’histoire car ce serait en enlever la magie … et le bonheur de retrouver son âme d’enfant lors de sa lecture. Bien entendu, outre ces deux protagonistes, de nombreux personnages, plus attachants (ou terrifiants) les uns que les autres viendront prendre leur place dans le récit.
La grande « claque » provient surtout du dessin ! Le graphisme est novateur dans son concept et pourra sans doute rebuter certains de prime abord, comme tout parti pris graphique marqué. Mais il faut le voir et le lire pour en juger vraiment… et se laisser convaincre par un ensemble particulièrement réussi.
Ce qui marque immédiatement, c’est… l’absence de couleurs et le choix, non d’un noir et blanc, mais d’une palette de nuances de gris extrêmement variée. Ryan Lang en fait une utilisation magistrale comme dans les clairs-obscurs ou les contre-jours des personnages, soutenant ainsi parfaitement l’atmosphère du récit.
Le dessin des personnages, leur « design », n’est pas sans rappeler celui du célèbre dessin animé Mulan (quoique moins caricatural) ou de l’excellent film d’animation Kubo et l’armure magique. On retrouve un trait nerveux, anguleux, expressif et, bien que relativement minimaliste, très précis.
Les scènes de combat sont particulièrement dynamiques, s’appuyant sur de nombreux champs / contre-champs ou contre-plongées et soutenues par une utilisation pertinente du flou pour les seconds ou premiers plans. Ceci confère à l’ensemble une réelle originalité et une dimension « cinématographique ».
Ce fort lien visuel avec le cinéma, le dessin animé ou le film d’animation n’a rien d’étonnant puisque Ryan Lang a justement fait carrière dans le cinéma, à la fois en animation et en prise de vue réelle.
En conclusion, Ryan Lang, dont c’est le premier album, a su combiner un scénario attachant, une utilisation des gris surprenante et des graphismes originaux pour former une harmonie magnifique, probablement parce qu’il est seul aux commandes et qu’il a ainsi pu donner libre cours à sa créativité.
… Et on appréciera les planches couleurs en bonus à la fin de l’ouvrage, qui ne sont pas sans faire penser à des moodboards ou des extraits de storyboards)…
Chronique d’Eric Descombes

© Le Lombard, 2023.