Il me vient en tête cette célèbre phrase de Mark Twain : « La catastrophe qui finit par arriver n’est jamais celle à laquelle on s’est préparée.». Avec la parution de The Nice House On The Lake T2 par James Tynion IV, Alvaro Martinez Bueno et Jordie Bellaire aux éditions Urban Comics, je pencherai plutôt pour : «Les créateurs sont d’honnêtes artisans capables d’illustrer une splendide apocalypse».
Quand des retrouvailles entre potes virent à l’aparté sanglant.
La dizaine d’invités profite assidûment de son week-end paradisiaque. Le seul problème est qu’au bout d’un certain temps, des phénomènes quelques peu étranges font leur apparition et que les concernés se posent sérieusement des questions. Walter, l’organisateur de la dite surprise-partie, a trouvé la parade. Lorsque les convives prennent conscience que quelque-chose ne va pas, il pratique le reboot mémoriel à de multiples reprises afin de les garder dans l’euphorie du moment et isole ceux qui deviennent trop gênants.
L’être humain est en pleine extinction, Walter tente coûte que coûte de garder ses proches en vie. La raison (le discernement accompagné d’une dose de bon sens) s’adapte et trouve toujours un chemin pour contrer ses tours de passe-passe. Malheureusement à chaque redémarrage, la situation ne fait qu’empirer. Sauf que des trublions au sein du groupe ont cerné son petit manège, ils profitent des circonstances pour inverser la vapeur et tenter de se débarrasser de sieur Walter.
Une guerre psychologique voire fratricide se déclare entre le geôlier et ses amis pour fuir leur cage dorée et retrouver un soupçon de liberté. L’hôte ne contrôle plus rien.
The Nice House On The Lake, ou comment gérer un fort complexe du Messie ?
Avec ce deuxième volume, James Tynion IV maintient le suspense et un degré de danger imminent. Il catapulte ses acteurs à l’intérieur d’un trou de ver humaniste et suffocant. Le récit brille par la complexité des relations que nouent les différents personnages, leurs interactions amplifient les phénomènes d’anxiété et d’angoisse. La notion du syndrome du survivant prend tout son sens ici, ce huis-clos autarcique puise sa force dans une atmosphère inévitablement pesante. L’auteur met en avant cette existence qui s’échappe en plus d’installer un malaise psychique et physique frappant les protagonistes. Les héroïnes Norah et Ryan tirent leur épingle du jeu au milieu de cette cohue infernale par une caractérisation pointue de la femme forte au sein d’une société moderne. L’intrigue fourmille de trouvailles narratives. Le scénariste tire autant avantage des situations sous tension que des moments de calme, riches en signification même s’il ne s’y passe finalement pas grand-chose.
Dichotomie d’une imagerie fusionnelle et démentielle.
Alvaro Martinez Bueno et Jordie Bellaire abordent un style chaotique et homogène. Notre tandem se complète de manière idéale et optimale tant au niveau des lignes que des couleurs. Le découpage rêche s’associe à une esthétique assortie. Le crayonné se déploie avec une ardeur excessive, la mine du stylet taille puis coupe dans le vif. Le mouvement est à la fois fougueux et énergique. Le trait agressif au premier abord respire la vivacité artistique, le bédéiste espagnol laisse échapper un patchwork graphique où s’amalgament heureusement dessin hétéroclite et design composite. L’encrage s’applique grâce à une texture d’ombre et de lumière assez contrastée, le noir n’hésite pas à abreuver les planches ainsi que les cases à l’excès. L’obscur imprègne le gaufrier dans un élan de générosité. Les nuances s’étalent à la truelle et exposent leur lot de tons intenses, ardents, violents pour attirer le regard et l’attention. Cet agencement pittoresque s’étend à l’aide de pigmentations insoutenables, psychédéliques et psychotiques. La tablette et la colorisation numérique pulvérisent frénétiquement la mise en page.
Et toi cher(e) abonné(e), tu l’imagines comment ce jour du jugement dernier ? Personnellement, je me verrais bien vautré sur mon canapé, une excellente bande dessinée à proximité.
Chronique de Vincent Lapalus.


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