Pour fêter ma cinquantième chronique, j’ai envie de vous parler d’une auteure talentueuse, que j’affectionne de longue date : Vanyda. Celle qui a – remarquablement – écrit et dessiné « Un petit goût de noisette » a en effet terminé cette trilogie l’année dernière, avec le tome 3, agrémenté (en sous-titre) de « fruits rouges et de chocolat amer ». Toujours aux éditions Dargaud, ce dernier opus, à la douceur des œuvres de Jirô Taniguchi, continue d’allier un formidable travail à l’aquarelle dans un style inspiré des mangas, très personnel. L’occasion de replonger avec délice dans les histoires croisées de jeunes – et moins jeunes – adultes, avec toute la tendresse, l’humour, l’amour et les dialogues sincères d’une bande-dessinée aboutie. Il faut souligner la qualité de la couverture de chaque tome, un unique dessin développé sur l’ensemble du livre (flap avant et arrière, 1ère et 4ème de couverture ainsi que la tranche), qui donne un bel aperçu des prouesses graphiques intérieures.
Chaque chapitre est un moment assez bref d’une tranche de vie. Corentin, devenu jeune et bel homme, randonne et bivouaque sous les étoiles. Tristan, introverti, dessine dans un bar où naît une attirance pour Miguel. Ninou arrache son ami Ludo à son univers numérique pour l’emmener aux fêtes de Bayonne. Razak, comme ensorcelé par la troublante Solange, la rejoint en Allemagne et va de surprises en surprises… Les flirts sont au rendez-vous. Les galères et déconvenues aussi. Les rêves seront-ils les plus forts ? Certains épisodes clôturent des chapitres des tomes précédents. Tristesse, amertume… Puis renouveau et retrouvailles.
Dans le tourbillon d’énergie propre aux étudiants naissent des complicités étourdissantes. Les frontières du couple sont encore floues dans ces amours naissants ; et les excès des fêtes se font parfois sentir. J’ai beaucoup apprécié de pouvoir suivre l’évolution des personnages – certains étaient enfants au tome 1, voir leur maturité acquise, se plonger dans l’évocation de leurs souvenirs, les voir s’épanouir, s’affirmer, rester les mêmes ou évoluer, ou encore tourner la page et continuer d’avancer.
L’illustratrice sait combiner de superbes paysages à l’aquarelle et des personnages assez réalistes, avec une pointe d’inspiration manga rendant les personnages vivants et attachants. Fidèle aux précédents tomes, la colorisation passe par un traitement délicat dédiant une ou deux couleurs à chaque personnage et à chaque histoire, tout en nuances. L’éclairage au clair de lune, les ombres des feuilles sous les arbres, les détails des textiles ou du quotidien sont un régal pour les yeux. Et les pleines pages sont autant de moments suspendus, emplis de grâce. Du Nord de la France à l’Allemagne, de Bayonne à la Slovénie, Vanyda nous fait voyager, avec toujours cette belle présence du végétal, et des touches de brique, de pierre, de bois, qui ancrent chaque récit dans un territoire, lui donnent corps. Nous retrouvons avec délice les personnages d’Eleanore et Corentin, dans un environnement naturel aux couleurs d’automne toujours flamboyant. Le noisetier planté au début du tome 1 a eu le temps de grandir, et la promesse faite ce jour là n’a pas été oubliée.
Le format des récits, développé sur 224 pages, et les échanges, riches en confidences, nous amènent à appréhender la complexité des relations humaines, mais aussi leur beauté. L’espace-temps des 3 tomes et la richesse des événements racontés évoque les cycles de la vie : c’est une belle fresque humaine, riche en émotions. Une plongée dans l’intimité et la diversité des couples et personnages, et un dessin de qualité qui ne peuvent laisser indifférents.
Vanyda travaille désormais sur l’adaptation en bande dessinée des romans La Passe-miroir de Christelle Dabos. Vu tout son travail en BD réaliste contemporaine, j’ai hâte de découvrir ce roman graphique fantastique !
Chronique de Mélanie Huguet-Friedel.


© Dargaud, 2022.