Beaucoup connaissent le rôle primordial de Jane Goodall ou de Paul Watson dans la protection des animaux. Et en réalité, longue est la liste des héros de la défense animale. Aux éditions Deman, quatre auteurs mettent en avant, dans le roman graphique Les sauveurs ,  7 héros de la cause animale – 7 destins extraordinaires. Fabien Morin, Julien Derain, Laurent Hopman se sont associés à l’écriture. Chhuy-Ing Ia décline chaque histoire dans des tons monochromes réhaussés de orange. Chaque chapitre se clôt par une pleine page avec une belle photo du protagoniste et les éventuelles coordonnées de l’association. L’émotion est palpable dès la préface, rédigée par Yann Arthus-Bertrand. Il est en effet le dernier à avoir travaillé avec Diane Fossey, une des personnes décrites. Primatologue, elle a été assassinée deux jours après le départ du célèbre photographe. Il ne faut pas oublier à quel point la protection de la nature peut s’avérer dangereuse, face aux traditions et surtout aux intérêts économiques. Cela dit, cette bande dessinée tout public offre un format accessible dès 9-10 ans, et c’est assurément un coup de cœur pour ma fille comme pour moi !

Pour chaque courageux militant dédiant sa vie aux créatures vivantes, le début de l’histoire est souvent le même : « un enfant qui ne voulait pas que l’on fasse du mal aux animaux, et dont la voix, en grandissant, ne s’est pas tue. » Rob Stewart croise en plongée son premier requin à l’âge de neuf ans, et se prend de passion pour ce mammifère décrié et massacré à hauteur de 90 % de l’espèce. Son documentaire Sharkwater conduira à interdire la pêche aux ailerons dans plus de 100 pays. Amir Khalil, inspiré par un vétérinaire d’une série télévisée, consacrera sa vie à sauver les bêtes piégées dans les zoos en temps de guerre, n’abandonnant pas face aux risques les plus grands. Diane Fossey, amoureuse des gorilles, vient vivre auprès d’eux et les observer, faire reconnaître leur profonde intelligence, se battra farouchement contre le braconnage et le paiera de sa vie. Henry Spira, toujours du côté des opprimés, fera stopper certains traitements cruels des laboratoires pharmaceutiques et de l’industrie agroalimentaire par d’habiles négociations. Brigitte Gothière et Sébastien Arsac, qui se rencontrent en terminale scientifique, s’engagent de façon radicale et fondent l’association L214, contre l’enfer des abattoirs. Aurélien Brulé, dit « Chanee », consacre son temps de loisir durant 4 ans, adolescent, à observer les gibbons. A 15 ans, il jure de dédier sa vie à les protéger. Avec l’aide de Muriel Robin, il débarque à 17 ans en Thaïlande, et crée un centre de protection qui permettra de développer des réserves et sanctuaires. Tous ont fortement aidé à faire progresser les mentalités.

Les traits, stylisés et efficaces, apportent la juste dose de réalisme pour saisir les expressions de chacun – au premier rang desquels indignation et détermination. Sur la base d’un découpage à la fois classique et dynamique, les plans américains nous immergent dans l’action. Le texte, développé, trouve naturellement sa place dans des dialogues riches. Les camaïeux de bleus s’harmonisent bien avec les touches orangées mettant en évidence nos héros, les animaux ou des détails des planches judicieusement choisis. Une belle place est laissée aux dessins d’animaux. Le gorille, notamment, montre lui aussi sa colère, sa tristesse, sa curiosité, sa tendresse, quand le gibbon fait preuve de compassion.

Finalement, cet album réussit pleinement à nous sensibiliser, tout en nous transmettant la force de ses personnages. Il nous rappelle que, comme Henry Spira, face à une cage fermée, nous avons tous envie de l’ouvrir pour libérer l’oiseau.

L’album, qui faisait partie de la sélection 2023 pour le prix Tournesol à Angoulême, est en lice pour le prix de la BD France Bleu 2023 : bonne chance aux auteurs !

Chronique de Mélanie Huguet – Friedel.

© Éditions Deman, 2022.