THE DEPARTMENT OF TRUTH T3: Monde libre

La technologie et l’information surtout régentent nos vies, la population ne croit que ce qu’elle lit dans les journaux et regarde à travers le prisme du tube cathodique. Le contrôle des cerveaux est déjà en marche, les masses sont surveillées. N’ayez crainte, The Department of Truth répond présent pour répandre la bonne parole en matière de sécurité. 

Cet ordre secret trouverait son origine dès l’an 1000 de notre ère. Il fut fondé pour contrecarrer la naissante mais puissante église catholique et son dieu unique. Les papes romains maintenaient leurs adeptes (moutons) dans la crainte et l’ignorance totale, l’organisation s’est octroyée le droit de protéger l’humanité mais pas seulement…

Pendant ce temps-là, Lee Harvey Oswald fait figure de coupable idéal dans la mort de J.F.K. D’étranges lueurs apparaissent et disparaissent à la vitesse de la lumière dans le ciel. Des individus en complet noir interrogent des témoins sur des phénomènes inexpliqués qui ensuite, se retrouvent miraculeusement frappés d’amnésie. Un homme papillon et le célèbre Indrid Cold provoquent l’effroi ainsi que la chute du pont Silver Bridge causant la mort d’une quarantaine de péquins. Ces affaires ont un point commun, elles sont indubitablement reliées. Quel peut être le lien de cause à effet ?

Au département, il se murmure entre ses murs que le directeur assisté d’une poignée d’agents, souhaiterait promouvoir un modèle américain conquérant et étendre sa suprématie sur le globe. L’asservissement psychologique s’instaure lentement. Cette situation provoque une montée de convictions religieuses pouvant être de nature divine ou extraterrestre. Inévitablement, le mensonge devient vérité sinon l’inverse. Comment distinguer le vrai du faux ? Ceci n’est qu’une question de point de vue.

James Tynion IV crée un scénario dense et nerveux, il revisite les faits marquants de la deuxième moitié du vingtième siècle à sa sauce. Nous baignons dans une ambiance complotiste et chaotique. Il y a du Roswell dans l’air, de vilaines créatures nocturnes à la croisée des chemins, des men in black sur le bord de la route etc. Les conspirations multiples passent à la centrifugeuse, plus rien n’a de sens. Le lecteur est littéralement retourné comme une crêpe, il s’égare à l’intérieur d’un dédale labyrinthique de théories aussi extraordinaires que saugrenues. L’histoire hallucinatoire se déploie sur un jeu de pistes ténu, elle procure une sensation euphorique de psychotropes administrés sous perfusion lente. Les retournements de situations ne manquent pas. Il faut signaler qu’avec un tel discours, l’auteur ébranle les mythes fondateurs de son beau pays. L’Amérique bien pensante, puritaine est sauvagement déconstruite et savamment critiquée. C’est terrifiant et cauchemardesque à la fois.

Le déchainement graphique de Martin Simmonds cède sa place aux styles de plusieurs illustrateurs chevronnés et invités. Ils mettent en image un volume interlude, chacun apporte sa contribution à une mise en page cosmopolite. Elsa Charretier apporte la fraîcheur du trait pulp façon Bruce Timm. Tyler Doss est plus enclin à proposer un crayonné classique et classieux. John J. Pearson lorgne du côté de la peinture à tendance psychédélique jusque dans l’agencement. David Romero démontre un talent certain dans l’art empreint de réalisme et symbolisme façon way of life aux mœurs contemporaines. Alison Sampson se situe plus dans une mouvance hétérogène, composite, lisse et brillante. C’est une «plasticienne» trompe-l’œil et illusionniste hors pair tandis que Jorges Fornes emploie un dessin plus académique plutôt appuyé et élaboré.

Matt Hollingsworth, Roman Titov et Jordie Bellaire adaptent leur colorisation aux artistes auxquels ils sont associés. Les couleurs sont tour à tour lumineuses, flashy, atmosphériques voire criantes. La palette de pigmentations réserve son lot de merveilles visuelles. Elles sont assez représentatives des différents courants ayant traversé les fifties et sixties. Le pictural ordinaire possède la capacité de faire ressurgir l’extraordinaire à n’importe quel moment, l’indicible devient palpable.

Department of Truth édité par Urban Comics est un mirage conceptuel déroutant au premier abord, cette série avant-gardiste s’érige pierre par pierre à l’aide d’une narration complexe et novatrice. La dystopie capitaliste en prend clairement plein la gueule, l’Oncle Sam risque de ne pas en sortir indemne.  

Chronique de Vincent Lapalus.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s