La nef des fous

Il était une fois, il y a de cela trente ans, naissait l’insolite et curieuse série La nef des fous éditée par Delcourt et créée par le talentueux et inimitable Turf. L’année 1993 débutait avec « Eauxfolles », premier volume du cycle initial de cette saga magistrale. 2023 démarre avec le tome 12 « A peu près preux » de la seconde époque et une édition anniversaire dos toilé du tome 1. Il y a des sorties que je ne manquerai sous aucun prétexte, La nef des fous en fait partie.

Je suis animée d’une impatience non dissimulée à l’attente de découvrir la nouvelle couverture qui ornera chaque titre. Elles sont toutes indiscutablement une œuvre d’art en soit. Si l’auteur affectionne clairement le rouge, non non promis, je ne vais pas m’étaler une fois encore sur le sujet, elles arborent une palette graphique variée et nous annoncent d’avance que la mésaventure sera renversante ! C’est le mot juste car à l’intérieur vous n’allez rien relever de conventionnel. Tout est plongé dans un délire absolu, mais ça tient bien la route. D’ailleurs, de la route on va en faire, même si « Eauxfolles » se situe sous une cloche. Pour élucider les différentes affaires qui préoccupent ce pays bigarré, les forces de l’ordre, avec à leur tête le sergent Bonvoisin et son second Baltimor, n’auront de cesse de chevaucher des engins complètement fous imaginés par Turf. Mi scooter, mi voiture, tous ces véhicules font rêver et donnent l’envie d’y prendre place et de participer aux investigations.

Les premiers épisodes, sept en tout, forment une première histoire. Nous y rencontrons les protagonistes extravagants qui parcourent les douze BD parues à ce jour. Dans l’ordre, mais pas forcément : Clément XVII, le Roy. Chlorenthe, princesse de son état, mais surtout jeune fille au caractère irascible. Ophélie, matriarche et reine. Igor XVII, canin royal ou encore Arthur, fou du roi et soupirant de l’infante. Tout ce beau monde est entouré d’une multitude de sujets, valets et personnages haut en couleur. L’action nous entraîne dans un mystérieux trafic de coloquintes. Mais qu’est-ce donc ? Cette énigmatique cucurbitacée, n’est qu’un prétexte pour toutes les cachotteries élaborées par le grand coordinateur.

Dans le deuxième opus, l’affaire se corse. La souveraine disparaît lors d’un spectacle de prestidigitation. Tout le palais est en ébullition, c’est le bazar complet. Ebouriffant et loufoque, nous nous retrouvons devant une intrigue où l’on croisera un impressionnant nombre de dindes au mètre carré, une performance qui marquera sans doute l’histoire de la bande dessinée.

Tous les albums sont exécutés avec des astuces atypiques et originales. Le bédéiste ne suit pas de codes et surprend avec toutes ses créations. Entre courbes et traits anguleux, aucun feuillet ne se ressemble. Entièrement conçus en tradi, il y introduit des collages de diverses matières. Les cases ne sont pas accolées et elles diffèrent d’une page à l’autre. Labyrinthique, en spirale, longiligne ou vertical, tout prend forme à la manière d’un puzzle. Le concepteur est minutieux, voir pointilleux, il est évident que cette bande dessinée ne peut être parcourue en deux secondes. Il faut prendre son temps, déambuler d’une image à la prochaine et déceler tous les détails et hommages qui s’y cachent. C’est une lecture tout autant visuelle qu’écrite. Cette magie, on la retrouve dans toutes les séries et one-shots que Turf a réalisés : La nef des fous le petit Roy, Gribouillis, Le magasin sexuel ou encore Le voyage improbable.

Vous l’aurez compris, dans notre monde dépourvu de magnificence, entrer dans celui enthousiasmant et merveilleux de Turf, est une incitation au bonheur et à la bonne humeur. Que cette inspiration ne se tarisse jamais. Merci l’artiste !

Chronique de Nathalie Bétrix

© Delcourt, 2023.

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