PAUL JENKINS présente HELLBLAZER

Où qu’il aille et quoi qu’il fasse, John Constantine attire les embrouilles et la sorcellerie comme une mouche sur un étron. La transfusion sanguine de Nergal en est très certainement la cause. Sa dette karmique n’est pas prête d’être acquittée avec Paul Jenkins présente Hellblazer aux éditions Urban Comics

Comme à l’accoutumée, l’homme blanc envahit et s’approprie de vastes étendues. Les aborigènes australiens comme leurs cousins amérindiens sont dépouillés de leurs terres. Les divinités d’un autre temps sont mécontentes surtout la Déesse-serpent arc-en-ciel. Constantine aura pour mission de réveiller les dieux anciens. Rien de tel qu’un bon calumet de la paix bien épicé suivi d’une Ghost Dance macabre pour lui permettre d’emprunter les voies du temps du rêve et d’entrer en contact avec les idoles terrestres afin de sauvegarder les croyances ancestrales.

Ensuite, John retrouve de vieux potes de sa période punk, une troupe de joyeux lurons qui participe à un rassemblement. Le seul hic est que des fantômes de la Guerre de Edgehill du dix-septième siècle s’invitent à la fête. Constantine toujours noyé dans l’onirisme, devra échapper aux affrontements survenus trois cents ans auparavant. Et qui sait ? Une vieille connaissance disparue lors d’une soirée de biture fortement arrosée pourrait l’y aider.

Le magicien fera face à Buer, l’amant du premier des déchus. L’ex-ange rumine encore les déculottés consécutives infligées par John. Mettre la main sur son âme l’autoriserait à regagner son trône aux enfers. Buer prendra possession d’un enfant avec pour seule alternative l’échange entre John et le petit. Le Hellblazer va se lancer dans une partie de poker endiablée pour que tout le monde puisse s’en sortir indemne. Mais ce qu’il ne sait pas, c’est que le grand Satan possède des atouts cachés dans sa manche. L’enjeu est de taille.

Quelques péripéties récréatives pimenteront ce morne quotidien. Se débarrasser du spectre d’un chien enragé ? Une sinécure. Mettre à bas le succube du hooliganisme ? Les doigts dans le nez. Organiser des retrouvailles avec son défunt et salopard de père ? John n’hésitera même pas à lui cracher son venin en pleine gueule.

Les vieux démons refont surface, le drame de Newcastle et les tortures qui s’ensuivirent à Ravenscar reviennent sans cesse le hanter. Il faut avouer que Constantine a une fâcheuse tendance pour foirer de façon spectaculaire. Les victoires contre les pires raclures démoniaques se gagnent souvent sur le fil du rasoir. John est un junkie, une existence normale ne lui correspond pas. L’appel des arts occultes est trop puissant, le mage escroc remet le nez dans la merde à la moindre occasion.

Paul Jenkins signe des épisodes ambitieux mâtinés de violence et d’horreur basique à la limite du palpable. L’auteur fait vivre son lot de situations extrêmes à l’antihéros car il possède un background riche et complexe. L’affrontement du personnage principal à grands coups de bad guys déjantés et d’intrigues surréalistes confèrent au comic-book une atmosphère mystique à laquelle se mêlent une écriture très poétique et des dialogues romancés. L’environnement et le contexte ambiant tiennent un rôle central. Le titre garde sa fibre sociale et provocatrice des débuts. La poésie terrifiante s’accompagne d’un souffle sulfureux, l’ambiance dark prend aux tripes.

Sean Phillips et Matt Hollingsworth apportent la touche finale à cette collaboration artistique solide. Le dessinateur régale par sa mise en page magistrale, la représentation est empreinte de réalisme. Lorsque le surnaturel s’invite, l’illustration et le découpage classiques au premier abord peuvent rapidement se mouvoir vers un visuel transcendantal rehaussé d’arrière-plans expressionnistes. Phillips emploie un style protéiforme, goûtu et charnu sous des aspects les plus divers. Les planches et les cases regorgent de noir, la technique de surlignage de l’esquisse vire en champ chromatique obscur et romantique. L’encre de chine dégouline sur la reliure de la première jusqu’à la quatrième de couverture, l’intérieur inclus. Les pigmentations psychédéliques telles que le bleu, rose et violet s’allient à des couleurs naturalistes. Ce melting-pot hallucinatoire et infernal apporte une luminosité intense, onirique voire proche de la folie lors de certains passages. Le graphisme pique parfois sa crise de délirium.

Hellblazer reste une série brillamment écrite depuis son premier numéro. La traduction de cette nouvelle intégrale de 512 pages ne déroge pas à la règle et pue le tabac froid de Silk Cut. L’odeur vous dérange ? Je m’en cogne, à vos marque-pages si vous ne voulez pas finir en cendres ! 

Chronique de Vincent Lapalus

©Urban comics, 2022.

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