Les rônin sont d’anciens samouraïs exclus de la société pour des raisons aussi diverses que la mort de leur seigneur, leurs propres fautes où la défaite. Ils devenaient des parias, certains cherchaient à venger leur sensei ou à restaurer leur dignité perdue. TMNT – The Last Rônin de Kevin Eastman, Peter Laird, Tom Waltz, Esau et Isaac Escorza, Ben Bishop et Luis Antonio Delgado aux éditions HiComics est le baroud d’honneur du dernier de ces braves.
New York, dans un futur proche sans qu’aucune date précise ne soit mentionnée, est devenue une ville fortifiée. Personne ne rentre ni ne sort. Après une campagne sanglante entre les clans Hamato et Horoku, le Foot a su imposer sa suprématie dans les rues. Un régime dictatorial s’abat sur la population, les habitants sont forcés de rentrer dans le rang.
Pourtant un combattant portant une carapace solide comme armure et élevé dans les préceptes du bushido, s’introduit à l’intérieur de la métropole. Il fait une percée fracassante parmi les lignes ennemies. A lui seul, il neutralise autant d’adversaires qu’un preux chevalier ne pourrait l’imaginer. Ce guerrier est l’ultime représentant de son espèce mutante, il est hanté par des fantômes et porte un bandeau noir pour marquer le deuil de ses trois frères et la perte de tant d’autres.
Son objectif ? Atteindre la tour la plus haute de la grosse pomme afin de renverser le despote Oroku Hiroto qui est le fils de Karai et petit-fils du légendaire Shredder. Notre orphelin s’embarque pour une mission suicide déguisée en quête vengeresse. Un aller pur et simple pour la mort. Ce qui permettra à ce héros new-yorkais de laver son nom et de trouver la sérénité lorsqu’il arrivera aux portes de l’au-delà. Le ninja est ivre de vengeance et souhaite rendre coup pour coup. Les shurikens vont pleuvoir, la dette se paiera dans le sang.
The Last Rônin est un vieux rêve de plus de trois décennies qui fut imaginé par les créateurs originels (Kevin Eastman et Peter Laird) des TMNT qu’une brouille artistique pour ne pas dire une guerre d’égos, avaient laissé en jachère dans le puits des projets ne voyant jamais le jour. Le succès de la série actuelle permit de remettre cette page inachevée sur les rails. Le volume supporte aisément la comparaison avec plusieurs œuvres de Frank Miller telles que son cycle de Daredevil, Ronin où Dark Knight Returns. Les influences d’Akira, Dômu de Katsuhiro Otomo pour les décors ainsi que l’atmosphère science-fictionnelle de Philip K. Dick abondent et se multiplient. Elles sont assimilées, digérées, retranscrites directement sur le papier avec imagination et savoir-faire. La création purement artisanale et intergénérationnelle se mène à l’envie voire l’impulsion mais avec un élan de démesure. Le synopsis déferle tambour battant. Les moments de calme sont uniquement présents pour que l’on puisse reprendre notre souffle. La dramaturgie s’associe à la hargne du protagoniste solitaire pour accoucher d’un récit au bord de l’asphyxie speed et rude. Sa puissance résulte du lien affectif qui s’instaure entre le personnage principal et le lecteur. C’est un saut de l’ange à l’intérieur de l’ouvrage chapitre après chapitre, la plongée scénaristique est totale dans le bocal. On sursaute, on frémit et on savoure à chaque instant.
Le graphisme n’est pas en reste. La mise en scène pulse à fond la caisse, l’illustration est à la fois furtive et immersive. Le dessin possède une force visuelle imposante. Il est tout bonnement spectaculaire, expressif, composé, mouvant et dynamique. Le crayonné se déploie de manière tranchante et pointue, il s’accompagne d’un tracé viscéral. Ce style sans ménagement apporte un rendu instinctif et primitif sans fioriture. Le découpage tire le meilleur parti de la force véloce grâce à une danse maîtrisée de perspectives qui frappent de stupeur. Les cases sont fouillées, les arrière-plans futuristes fourmillent de détails. Le soin et la niaque apportés aux planches par les différents artistes sont la démonstration de talents incontestables. La colorisation rentre puis s’applique en adéquation à l’intérieur de cet univers violent. Les nuances se fondent et éclatent à outrance. La pigmentation peut être ombrageuse, parfois métallique comme étincelante. En voilà une popote de tortue consistante et colorée.
The Last Rônin chez HiComics est un épisode inattendu, cette dernière histoire sonne comme la bataille finale des Tortues Ninja. C’est une mini-série marquée au fer rouge, un chant du signe cathartique. Une page du comic-book indépendant se referme définitivement une fois la dernière page de ce one-shot tournée, l’album ravira les passionnés de la licence ou non. Le Cowabunga spirit est dans la place les amis !
Chronique de Vincent lapalus.

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