Voilà un peu plus d’un an que la PMA (Procréation médicalement assistée) a été autorisée pour toutes les femmes en France. Depuis, si le premier bébé est né d’un couple de femmes en août 2022, dans un cas sur 2, la demande est celle d’une femme seule. Et pour toutes, la PMA reste un parcours du combattant. Céline Gandner, auteure talentueuse qui s’est déjà démarquée avec son précédent album Je suis Sofia (sur la transidentité), a souhaité partager en BD ce qu’elle a vécu, dans un style souvent drôle, parfois triste, toujours sincère. Elle a en effet écrit « PMA – à la recherche d’une petite âme », roman graphique paru aux éditions Delcourt / Encrages. Et elle l’a écrit en 2018, quand réaliser une PMA seule était encore interdit en France. Pauline P a été chargée de la mise en dessin et couleur, avec un style résolument coloré, vivant, tout en étant très documenté. Et c’est au Professeur René Frydman, ayant permis la naissance du premier « bébé éprouvette », que revient une préface élogieuse, appelant à ce que l’information circule sur les questions liées à la fertilité et aux différentes options possibles.
Pour Céline, comme pour beaucoup, cela commence après 21 années d’une brillante carrière, avec un soudain et irrépressible désir d’enfant. Oui mais voilà. Céline est quarantenaire, célibataire, bref, sans géniteur. Un premier projet, pour avoir un enfant avec des amis homosexuels, échoue. Et puis une idée, celle de la PMA, fait son chemin. Il lui faut alors trouver un centre qui accepte le don de sperme à 44 ans – à l’étranger, puisqu’à ce moment là, la loi française n’autorise pas encore cette assistance en France pour les femmes solo. Sa quête lui fait vivre des montagnes russes émotionnelles, et la soumet à différents examens (qui a dit hystérosalpingographie ?) et à un calendrier contraint. Injections pour stimuler les follicules, échographies, prises de sang, insémination, progestérone… Prières et croisements de doigts. Beaucoup de patience est nécessaire pour ce marathon. Et de la résilience, quand la grossesse multiple est trop risquée, que l’essai ne prend pas, que les copines mettent les pieds dans le plat, qu’il faut faire les annonces aux parents… L’écriture prend alors un tour cathartique, et Céline un nouveau chemin professionnel, celui de la bande dessinée !
Les auteures déroulent d’une écriture fine cette histoire et le fil des pensées de Céline, qui s’ouvre à nous sans filtre, dans un partage touchant. Les couleurs vives et le dessin expressif, ainsi que les pages en mode « journal intime » nous aident à saisir toute la complexité émotionnelle de cette expérience, tout en rendant le récit très dynamique et attirant. Il faut souligner le caractère accessible des explications sur le plan médical, illustrées en détail et mises en page. La dessinatrice emprunte aux blogs ses meilleurs codes, tout en faisant de son gaufrier un terrain de jeu, passant d’un découpage classique à des cases plus explosées, des personnages libres de leurs cadres, et des cases « paint it black », quand rien ne va plus. Ainsi cette aventure si particulière, pleine de féminité, se dévore d’une traite.
Ce témoignage personnel et intimiste, plein d’autodérision, joue complètement son rôle de désacralisation et de vulgarisation. Il reflète la personnalité de l’auteure, qui transmet ses émotions dans son récit, tout en ayant l’approche documentaire dans son ADN. Cet ouvrage inédit rencontre une reconnaissance méritée, à l’heure où le don de sperme explose, et fait référence dans la bibliographie des hôpitaux de Paris : il permet d’accéder à une mine d’informations, de pouvoir aborder le sujet auprès des proches, et de préparer son entourage : à glisser délicatement sous le sapin ! Et gardez un œil sur les projets en cours de Céline Gandner, qui nous promettent encore des pépites !
Chronique de Mélanie FRIEDEL-HUGUET


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