HOKA HEY

Bercée depuis mon plus jeune âge par le « western spaghetti », j’ai un très grand attachement pour ce genre et tout particulièrement pour Le bon, la brute et le truand de Sergio Léone que j’ai sans doute vu une bonne dizaine de fois. Mais ce film ne serait pas ce qu’il est, sans les compositions musicales d’ Ennio Morricone.

Neyef nous offre avec Hoka Hey, aux éditions Rue de Sèvres dans la collection Label 619, une bande dessinée de toute beauté. L’objet en lui-même en impose au premier coup d’œil. Il est apprêté d’une couverture cartonnée au dos toilé. Le papier est de grande qualité et l’impression mate lui donne une grande classe. L’illustration qui orne ce one-shot nous harponne forcément grâce au regard incisif de Little Knife, notre héros. Mais avant de le rencontrer, nous allons faire la connaissance de Georges.

Enfant métis, il a été « adopté » par le révérend Clemente. Il apprend la bible par cœur, car le pasteur lui a dit que tout américain devait connaître les enseignements de Dieu. Il aimerait-être instruit parce qu’il ambitionne de devenir docteur. Un Indien qui ferait des études de médecine, il est bien clair que cela en fait sourire plus d’un. Enfin, en ce beau jour ensoleillé, le garçon accompagne le saint homme et une de ses ouailles pour un moment « détente » autour d’un pique-nique. Tout le monde connaît la chanson « après la pluie, vient le beau temps ». Saviez-vous également que parfois la mort succède à l’éclaircie ? Si vous n’y croyez pas, c’est que vous ne vous êtes pas encore retrouvés face à nos trois cavaliers de l’apocalypse « Little Knife », « No Moon» et l’Irlandais « Sully ». Le chapelain et la paroissienne ne sont plus là pour vous mettre en garde, il nous reste donc que le jeune Lakota, qui certes n’imaginait pas que la suite de son histoire ressemblerait à l’enfer.

Hoka Hey nous conduit sur les traces glissantes de l’école de la vie. Franchement qui a envie d’une telle initiation ? Georges pour survivre, se retrouve à arpenter les grandes plaines au côté de nos trois assassins, qui pour arriver à leur fin sont prêts à tout, même à vendre leur âme au diable. Il apprendra à tirer, à chasser et à se familiariser avec ses origines indiennes. Ce récit est musclé, cruel, dramatique et d’une noirceur désenchantée. Mais, il est également traversé de lumières et de bienveillance. Même si nos trois crapules n’ont plus rien à perdre et qu’ils descendent sans état d’âme toutes les personnes qui ont la fâcheuse idée de se mettre sur leur chemin. No Moon, notre squaw mutilée, Sully l’Irlandais puant et Little Knife le peau-rouge accidentée de la vie, disposent d’un bon fond ! Cette bonté suffira-t-elle à les sauver ?

Neyef est un auteur plein de talent et son album Hoka Hey arrive en librairie une année où les titres sur cette thématique se bousculent : Ladies with Guns chez Dargaud, Wild Bill Hickok et Jesse James aux éditions Glénat, Indians présenté par Tiburce Oger et son collectif de dessinateurs virtuoses, Marshal Bass des Éditions Delcourt, j’en passe et des meilleurs…. Si j’affectionne particulièrement ce style de BD, j’ ai lu presque toutes les sorties à ce jour, je peux affirmer haut et fort qu’ Hoka Hey est certainement celui qui m’aura le plus marqué. Le scénario est une tuerie et la qualité graphique d’un niveau impressionnant. Si je ne devais en retenir qu’un seul, ce serait sans hésitation celui-là.

À vous, amoureux des grandes étendues, des Cowboys et des Indiens, de longues chevauchées, du whisky et des balles perdues, ne cherchez plus, c’est Hoka Hey qu’il vous faut!

Je vous garantis évasion et frissons.

Chronique de Nathalie Bétrix

© Rue de Sèvres, 2022.

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