Quand Patriarchy, tome 1 : le Châtiment, édité chez Caurette, m’est tombé dans les mains, j’ai été d’emblée attirée par le regard franc et décidé du personnage féminin en couverture… Les couleurs, signées Amparo Crespo, dégradé de bruns et de rouges sur fond de ciel bleuté, et le trait net de Bélen Ortega, respiraient l’énergie et m’ont donné une furieuse envie d’en savoir plus. Le fait qu’elle tienne fermement deux sabres n’y a certainement pas été étranger non plus !
Ce premier tome s’ouvre sur une scène d’abandon rituel où une femme confie son nourrisson mâle et bien portant aux eaux vives d’une rivière ; on lui souhaite pour sa prochaine grossesse la naissance d’une fille… Le groupe rejoint ensuite le Thing, une forteresse érigée dans les ruines d’un parc d’attractions. Le décor est rapidement planté et plonge le lecteur dans une revisite post apocalyptique du mythe des Amazones. Ici, en 2077, un clan composé exclusivement de femmes résiste au Protectorat, dictature misogyne et phallocrate. Cependant des dissensions existent partout et bientôt l’intrigue s’étoffe autour de Kahina, personnage central et guerrière redoutable. Le scénario de Sylvain Runberg et Anna Saveg nous emmène rapidement bien plus loin que la simple dichotomie « femme versus homme » et interroge les rapports entre les individus, développe tout un panel de personnages secondaires. Tala, adolescente, cherche un lien radiophonique avec d’autres groupes humains potentiellement disséminés à la surface de la planète. Ishta, enceinte, refuse de risquer de devoir abandonner son bébé si c’est un garçon. Sigrid, chef du clan, est amenée à prendre des décisions difficiles… Au fil du récit, on remonte aux origines du Mal de ce monde : le déclenchement d’une guerre nucléaire sans précédent par une femme ; dès lors, la règle devient de toutes les empêcher de « nuire » en les réduisant à l’esclavage. La fuite et la résistance deviennent alors les seules alternatives possibles…
La mise en page est dense et riche, les vignettes aux formats variés foisonnent d’informations ; la lecture est aisée et les repères facilement pris. L’ambiance générale de ce monde, reconstruit sur les restes du notre, est assez sombre et marquée par une violence latente. Les scènes de combat sont rendues très vivantes et esthétiques par un travail très efficace sur le mouvement. Les visages et les corps, très réalistes, rendent les personnages éminemment expressifs et pour certains même attachants.
Embarquée par le fond comme par la forme, je suis arrivée au terme de ce volume bien plus vite que je ne l’aurai souhaité ; prise par la quête de Kahina, il me tarde de savoir ce qu’il va advenir de tous ces personnages… En somme, j’ai hâte que paraisse la suite 😊 !
Chronique de Louna Angèle

© Éditions Caurette, 2022.