Aujourd’hui on se fait un good trip sans consommation d’herbes aromatiques ni substances illicites, je vous promets du 100 % bio imaginatif. Les éditions Huginn & Muninn ont eu la brillante idée d’adapter au format intégrale VF les aventures d’un trublion de la pop-culture américaine né sous les crayons et couleurs de Michael et Laura Allred. Lire Madman, c’est complètement ouf !
Notre héros de la semaine se nomme Frank Einstein. Dans une vie antérieure, il était un jeune homme d’une banalité confondante qui malheureusement succomba à un ordinaire accident de la route. Grâce aux bons soins et expérimentations du fou mais génial docteur Boiffard, Frank est revenu d’entre les morts amnésique. Pourquoi affubler une créature de ce doux sobriquet me direz-vous ? Eh bien tout simplement parce que Boiffard est un immense fan de Frank Sinatra et d’Albert Einstein.
Désormais, Frank alias Madman souhaite recouvrer la mémoire et maîtriser ses nouveaux pouvoirs qui font de lui le digne protecteur de Snap City. Le doc se fait bêtement renverser par un automobiliste. Avant de trépasser il murmure à Madman, qui se trouve sur les lieux de l’incident, ses dernières paroles. Frank doit retrouver le professeur Gillepsie Flem qui serait en mesure de ressusciter son confrère.
Notre téméraire surhomme décide de s’embarquer pour une mésaventure folledingue, il en découlera une suite d’évènements aussi rocambolesques que surprenants. Le brave Madman affrontera une galerie d’hurluberlus aussi hétéroclites que déjantés avec pour seules armes son redoutable yoyo et son sens inné de l’acrobatie.
Michael Allred est un créateur sensible et altruiste. Il effectue un retour aux fondamentaux du comic-book avec un univers immense, étrange et mirifique. L’artiste donne sa vision tout-à-fait personnelle du super-héros bizarre, nostalgique voire dément comme une lettre d’amour et un hommage à la production américaine florissante du début des années 60. Madman est une œuvre à contre-courant old-school dotée d’un scénario brillant. Le merveilleux s’installe sur près de 350 pages avec la naïveté et la nostalgie de ces bédés d’antan. Sa lecture remonte à l’essence originelle où les histoires savoureuses s’assemblent à des personnages enfantins.
Mike (pour les intimes) Allred fait partie de cette immense famille d’illustrateurs tels que Jack Kirby (encore et toujours), Wallace Wood ou Alex Toth. Le génie de son coup de crayon prend forme au travers d’une narration linéaire, belle et enjouée. Il se dégage du dessin une certaine pureté, Allred croque à l’aide d’un style ligne claire rehaussé d’un trait moelleux et de courbes alléchantes. Les pages regorgent de visages « cartoony» accompagnés d’une palette d’émotions variées. Le sens du design rétro et fouillé explose la composition des planches. L’encrage y est élégant et simple. Laura Allred n’est pas en reste puisque la coloriste utilise des pigmentations vives voire primaires en aplat donnant un petit côté acidulé à l’ensemble et très séduisant pour l’œil. Ce couple à la ville comme à la scène a étudié le medium dans ses moindres détails allant des nuances, en passant par le lettrage pour finir avec le découpage typique du neuvième art américain. Michael et Laura Allred fournissent un travail honorable, enthousiaste et surtout passionné.
Je croise les doigts pour que l’éditeur puisse mener cette odyssée débridée en douze volumes à terme, cette traduction n’est que jubilation. Madman, it’s just so crazy and groovy! Message reçu ?
Chronique de Vincent Lapalus.

© Huginn & Muninn, 2022.