Roumanie, 1989. L’ours de Ceausescu est un retour sur un pan d’Histoire, de ceux dont on préférerait qu’ils n’aient pas existé tant ils sont synonymes de tragédies. Ici, Aurélien Ducoudray, ancien reporter devenu scénariste, crée une fiction pour mieux souligner la réalité du régime politique roumain à l’approche de la chute du mur de Berlin. C’est une plongée dans l’existence du peuple à la veille de la révolution de décembre 1989, à travers le destin de sept personnages fictifs. Fictifs, mais dont on imagine aisément qu’ils s’approchent férocement de la réalité crue du quotidien sous la dictature des Ceausescu… Y sont dépeintes à travers leurs regards la misère matérielle, l’ambiance de suspicion et de terreur entretenue par la police secrète aussi bien que l’absence de libertés civiles, étouffées par une économie largement déficitaire.
La mise en page est classique, la lecture linéaire aisée, le dessin de Gaël Henry juste et sans fioritures crée une ambiance souvent pesante. Le trait simple contraste parfois brutalement avec le propos humainement dense. La réalité dessinée est lourde, c’est à l’essentiel que l’on va. Concision des textes et sobriété des images s’accordent avec une colorisation efficace, signée Paul Bona, pour donner vie à cette galerie hétéroclite de personnages. Le choix des anecdotes, tragi-comiques, constituant le corps de leurs histoires est parfois même traité sans texte mais par une succession de vignettes carrées ; une forme austère pour un fond difficile frisant parfois avec l’absurde. Impossible de vous conter ce qui rapproche ces personnages sans trahir l’objet de cet « ours de Ceausescu » édité par Steinkis. C’est sur les dernières pages que la fiction et l’Histoire, celle avec le H majuscule, se rejoignent pour clore ce chapitre sombre de l’Histoire de la Roumanie.
Que vous dire en définitive de mon sentiment après cette lecture sinon que lorsque trois talents s’accordent pour une piqure de rappel historique en forme de devoir de mémoire, ce serait bien dommage de passer à côté…
Chronique de Louna Angèle.
