S’il y a bien une certitude concernant le justicier de Gotham, c’est qu’il n’arrêtera jamais et que sa soif de vengeance a fait de lui un croquemitaine intemporel. Batman – La Dernière Sentinelle de Tom Taylor, Andy Kubert, Sandra Hope et Brad Anderson aux éditions Urban Comics peut être considéré comme un excellent préquel à la trilogie Dark Knight Returns.
Le vol 89 de la Wayne Airlines en direction de Londres a été détourné par des terroristes, l’appareil s’écrase dans le Lancashire en Angleterre. Un message peint sur la façade d’un bâtiment à proximité du crash est laissé à l’intention de Batman. Il s’agit du décompte des victimes de l’incident. Ses adversaires vont apprendre que l’on ne s’attaque pas à Bruce Wayne impunément.
Tempes grisonnantes, coupe paramilitaire, le corps couvert de cicatrices, il est temps pour le grand détective d’enfiler l’équipement standard. Exit la cape, le costume plus un imperméable en kevlar et deux valises bourrées de gadgets suffiront pour se lancer dans une lutte acharnée.
A peine débarqué au Royaume-Uni, Batman fera connaissance avec une nouvelle antagoniste, Equilibrium. Cette super-vilaine ainsi que les membres de son organisation abordent des tenues identiques à la sienne mais d’un blanc immaculé pour marquer les esprits et commettre à la vue de tous les pires exactions.
La chauve-souris a sauvé des milliers de vies durant des décennies, Equilibrium fait pencher la balance et prône l’équilibre des forces en remettant les compteurs à zéro. La tueuse est à la fois déterminée et sans pitié, elle possède des moyens illimités et une puissance de frappe équivalente à celle de Bruce. La criminelle sème les cadavres comme des miettes de pain façon Hansel et Gretel, la traque se transforme rapidement en un conte macabre. Equilibrium se hisse au niveau de dangerosité du Joker, le diurnambule se doit de répliquer avec férocité et combativité afin d’affronter son «penchant négatif».
Tom Taylor signe un scénario choc sous l’influence de Frank Miller. Il brosse le portrait d’un héros charismatique vieillissant toujours sur le qui-vive, souvent alerte mais ivre de revanche. Les protagonistes sont littéralement habités et leur intériorité explose. L’auteur déménage l’intrigue sur plusieurs continents européens, changeant le statuquo habituel. Il crée la nouveauté avec l’apparition en fanfare d’une Némésis inédite face à Batman. Son scénario infernal est gonflé à la nitroglycérine, il maintient la pression. Les rebondissements sont finement orchestrés et les cliffhangers époustouflants s’enchaînent. Tom Taylor livre un travail honnête et extrêmement bien ficelé.
Autant vous dire qu’en compagnie d’Andy Kubert, Sandra Hope et Brad Anderson à la mise en scène, les pages défilent à vive allure. Le fils cadet du célèbre Joe Kubert met son style redoutable au service du Chevalier Noir, le graphisme est inné et sans erreur. L’artiste est un orfèvre dans l’efficacité visuelle et narrative, l’illustration s’exécute avec homogénéité. La composition, l’anatomie, les perspectives, le cadrage, le découpage, la profondeur de champ ou les espaces urbains sont sensationnels. Sandra Hope opte pour un encrage soigné et voluptueux qui bonifie un crayonné déjà solide. Brad Anderson utilise une gamme chromatique typique au Caped Crusader, elle s’applique de façon nette et sans bavure. Le liquide noir ainsi que la couleur se diluent et se complaisent dans l’ombre pour un rendu méticuleux.
Batman – La Dernière Sentinelle est un pur divertissement et une « subtile » réappropriation du mythe dont il se dégage une aura envoûtante, l’album se dévore avec plaisir et se trouvera une place de choix aux côtés de Batman versus Predator, Le fils de Batman ou DK III (avec toujours Andy Kubert au crayon).
Chronique de Vincent Lapalus

©Urban Comics, 2022.