La peur est un sentiment que chacun d’entre nous appréhende à sa façon. Il y a ceux qui la recherchent, parce qu’elle les fait se sentir vivant, ceux qui la craignent et ceux qui l’ignorent. Nicolas Di Meo s’en empare, il joue avec et s’en délecte. Pour son premier roman graphique La source de nos peurs – Saint-Syméon chez l’éditeur Suisse Antipodes, il s’est associé à une illustratrice au trait acéré, Hélia Aluai. L’alliance de ces deux artistes, nous entraîne vers un récit captivant qui nous précipite au bord de la folie…
Thomas Nigueri, a reçu une lettre et une bonne somme d’argent du Dr Michaelis, une vieille connaissance dont il n’avait plus eu de nouvelles depuis plusieurs années. C’est l’ancien mécène d’une expédition qui l’avait conduit au Chili. Il est passionné d’archéologie et est également le directeur de l’orphelinat Saint Syméon depuis la nuit des temps. Le médecin fait appel à lui, parce qu’il est persuadé qu’il est la seule personne capable de l’aider à éclaircir le meurtre d’une de ses pensionnaires. La jeune Joséphine a été sauvagement mutilée et assassinée. Sans vraiment réfléchir, il se met en route pour répondre à cette étrange doléance.
A la vue de la grande bâtisse aux contours étranges et lugubres, il se sent troublé. Cet endroit ne ressemble pas à un orphelinat, l’atmosphère qui se dégage est bien trop calme pour un lieu habité par des enfants. Accueilli par une femme à l’allure austère, il pénètre dans la propriété. Elle se nomme Amanda, elle est l’éducatrice en chef. Alors qu’il pensait être mené auprès du médecin, il est conduit dans une grande salle où il espérait rencontrer tous les gamins. C’est ainsi qu’il se trouve confronté à quatre visages qui l’observent avec inquiétude. L’atmosphère est lourde, elle transpire l’anxiété. Trois femmes, l’une journaliste, l’autre religieuse et une scientifique accompagnent Arno Stern, art-thérapeute. Tous imaginent se retrouver face au Dr Michaelis, c’est avec surprise qu’ils se voient introduits par le lieutenant de la police communale.
Rien ne se passe comme prévu. Les enfants sont enfermés dans une pièce inaccessible. Sans la clé que détient le docteur, personne ne peut rentrer en contact avec eux. Ils sont tous allongés côte à côte et semblent endormis. Thomas est perdu dans un environnement labyrinthique où s’enchevêtrent souvenirs d’enfance, rites et magie noire…
Travail de longue haleine, La source de nos peurs est bien plus qu’un simple roman graphique. Nicolas Di Meo, graphiste indépendant et créateur multimédia a fait de sa création, au côté de Hélia Aluai un objet interactif et original. Tout au long de sa lecture, on y découvre des pages agrémentées d’une paire de lunettes ou d’une cassette audio. Il vous faudra télécharger sur votre smartphone l’application du même nom que le livre et vous y trouverez un menu avec différentes entrées. Elles vous permettront d’en apprendre davantage sur les démarches de l’auteur et vous donnera accès aux multiples créations 3D et à des extraits sonores passionnants.
Un deuxième volume est déjà en préparation dans l’esprit démoniaque de notre jeune écrivain. Il donnera vie une fois encore à un lieu emblématique et abandonné de la région romande helvétique.
Amoureuse des récits sombres et malaisants, j’ai eu un coup de foudre immédiat pour cet ouvrage. Il est beau et incroyablement conçu. Il m’a fait vibrer et frissonner de la première à la dernière ligne. Hélia Aluai a mis en images cette histoire avec de belles représentations toutes en noir et blanc. Les lignes sont tranchantes comme une lame de rasoir et retranscrivent toute l’angoisse qui en découle.
Ce soir lors de votre lecture, n’oubliez pas de laisser la lumière allumée, fermez bien toutes vos portes, le croque-mitaine pourrait bien passer… Bouh !
Chronique de Nathalie Bétrix