La bande dessinée Les enquêtes de Victor Legris, est une belle adaptation des romans policiers historiques du même nom. Ils sont situés à Paris, à la fin du XIXe siècle, et signés Claude Izner.
Derrière ce nom de plume se cachent non pas une auteure mais deux sœurs, Liliane et Laurence Korb. Jean-David Morvan, connu par ailleurs pour le best-seller de science-fiction Sillage, et tant d’autres pépites comme Irena a composé un scénario fidèle à l’esprit des polars originaux, et qui fonctionne bien dans ce format de 88 pages. Les illustrations de ce tome 1 de la série, Mystère rue des Saints-Pères ont été réalisées avec soin par Bruno Bazile pour le dessin et Annelise Sauvêtre pour la mise en couleur. Cet album, paru aux éditions Philéas, a toutes les qualités d’une série policière réussie : une intrigue aboutie, des personnages exotiques, le contexte historique de l’exposition universelle et d’un Paris très vivant, de l’action, du suspense, des filatures et rebondissements…
La couverture est aussi élégante qu’attirante. Élégante par sa typographie travaillée, le titre doré ; attirante par la scène illustrée, d’un homme victime d’une attaque au milieu de la foule pressée sous la Tour Eiffel. Quel drame peut bien se jouer là ? Alors que Victor Legris, libraire parisien trentenaire, a rendez-vous à ce monument neuf pour une collaboration avec un nouveau journal, une suite de morts inexpliquée démarre… Il décide de mener une investigation pour répondre à ses interrogations. Séduit par la belle et entière Tasha Kherson, peintre caricaturiste, il tente également de mieux la connaître… Tout en étant troublé par le comportement étrange du Japonais Mori Kenji, qui l’a élevé. Pistes brouillées, acteurs pris entre plusieurs feux… Le récit dense nous entraîne jusqu’à son dénouement.
Le dessin est clair, les décors magnifiés par l’architecture de la Belle Époque. Les costumes, calèches inscrivent le récit dans son temps. Nous aimons les subtils détails participant à cette reconstitution historique : retranscription de photographies en noir et blanc, montgolfière aperçue dans un bout de ciel, kiosque à journaux, enfant jouant au cerceau, minot portant un panier d’osier, charbon déchargé sur les quais de Seine… Les tons sépias côtoyant les bleus clairs de l’horizon, les cuivres de la Tour Eiffel parachèvent cette plongée historique autant qu’ils contribuent à l’ambiance de l’enquête. Notre monument national tient une belle place dans cet ouvrage, avec des vues en pleine page, double pleine page, découverte des intérieurs…
Au final, nous sommes aussi curieux de dénouer les ficelles de cette aventure que de parcourir Paris au côté de notre libraire perspicace. Continuer à faire vivre les histoires de Claude Izner, les faire redécouvrir à un nouveau public, devient une belle façon de rendre hommage à Liliane Korb, décédée en 2022. Cet opus vient également questionner le journalisme sensationnaliste, la désinformation, la manipulation : des problématiques très actuelles ! Nous attendons la suite avec impatience.
Chronique de Mélanie Huguet – Friedel.
