L’opium. Cette drogue a été l’or noir de l’Asie pendant plusieurs décennies. Elle a détruit des hommes, des familles, des sociétés, des villages entiers. Mais certains destins se sont forgés grâce à elle. Chers consommateurs de pages illustrées, ne laissons pas les fumées de l’Histoire nous distraire plus longtemps et venez tourner les pages de « Manchuria Opium Squad » publié chez Vega Dupuis.

Rapatrié du front à la suite d’une blessure lui ayant fait perdre son œil droit, Isamu Higata se retrouve à cultiver les champs comme volontaire désigné. Les temps sont durs, la pauvreté rampante, mais Isamu tient bon, pour ses proches, et surtout pour sa mère malade.

Afin de se procurer les médicaments nécessaires pour la sauver, Isamu va utiliser ses connaissances en botanique et se lancer dans la production d’opium. Cette décision aura l’effet d’un tremblement de terre sur son existence. Armée, mafia, opiomanes, son talent va attirer l’attention. Malgré de nombreuses situations périlleuses, il tiendra bon et fera face aux nombreux dangers qui pèsent sur lui et les siens.

Ce récit est l’œuvre de Tsukasa Monma et il est mené de façon très immersive. Les personnages sont complexes et torturés, la violence est omniprésente. Chaque pas de notre anti-héros a des conséquences et elles sont rarement positives. La narration est rythmée, haletante par moments mais saura aussi ralentir pour contempler l’horreur des effets de la drogue. L’auteur nous présente ainsi des protagonistes froids même si un peu idéalistes. Les sentiments sont peu utiles, les joies courtes, bref, on n’en ressort pas indemne.

Pour ne rien gâcher, le travail d’illustration de Shikako est remarquable. Jouant sur l’hyper-contraste et les déformations, il retranscrit à merveille (si on peut le dire ainsi) la saleté des taudis des quartiers les plus pauvres. Son interprétation de la folie des Hommes et les effets de l’opium oscille entre comique et horreur nous laissant une sensation de malaise glaçant. Ses tracés les plus simples et clairs sont réservés aux personnages les plus innocents ce qui contraste avec l’obscurité de leur univers. Si vous cherchez une fresque historique et sombre, alors ce manga est pour vous. Mais attention, il ne peut être mis entre toutes les mains, risquant de hanter certains rêves de sa folie sous-jacente.

Bonne lecture.

Chronique de Benoit Laurent.