LES ENFANTS D’ABORD

Les enfants d’abord. Ces quelques mots résument la vie de l’exceptionnel Janusz Korczac, médecin, écrivain, pédagogue, juif et polonais ; qui a dédié sa vie aux enfants. Stéphane Tamaillon et Priscilla Horviller nous livrent ses mémoires en bande dessinée aux éditions Steinkis.

A travers ce roman graphique d’une grande qualité, ils ont su traduire à la fois un contexte historique dramatique, le parcours hors norme d’un homme qui refuse cette violence, sa force mais aussi sa tendresse consacrées aux plus faibles. La forme autobiographique nous plonge dans les pensées du personnage, nous permet de parcourir les chemins de sa conscience.

Après avoir grandi à une époque où l’éducation se faisait par la peur et la menace, Janusz Korczac devient d’abord précepteur, puis médecin. Il initie de nouvelles pédagogies à l’égard des enfants, rassemblant écoute, égalité et bienveillance. La violence de la russification de la Pologne (langue interdite, négation de l’histoire nationale) et la persécution dont il est victime en tant qu’intellectuel ne font que renforcer sa volonté constante de protéger les enfants, de les aider à s’épanouir. Pendant 30 ans, il dirige La maison de l’orphelin, un établissement pilote historique organisé en République, doté d’un parlement, d’un tribunal et d’un journal.

Le choix graphique affirmé du noir et blanc, au-delà du cachet historique, permet de se concentrer sur le récit, qui est dense, et sur les personnages en action, colorisés. La puissance de l’image est décuplée pour les scènes marquantes, noires, rouge sang ou enflammées. Le dessin est précis, et en même temps figuratif. Le roi Mathias 1er, personnage du roman qu’écrit Janusz Korczac, toujours équipé de sa cape rouge et de sa couronne dorée, surgit à l’image dans les moments de crise. Les loups, acteurs de la guerre, envahissent la Pologne et s’imposent dans les pages. Les pleines pages nous font prendre conscience de la peur intense qui habite les victimes, de la brutalité des actes qui restreignent toujours plus les libertés. La qualité du découpage, varié, alterne des cases avec ou sans cadre, avec ou sans parole, qui servent le récit tout en contribuant à l’immersion du lecteur dans la vie de l’auteur et ses pensées. L’équilibre de l’ensemble est à souligner. Les enfants d’abord. Cela sonne comme une évidence. Et pourtant.….

Les crimes en Ukraine et ailleurs nous rappellent cruellement combien les droits des enfants sont, toujours, un combat. Le parallèle est criant, entre la Pologne de Korczac, et l’Ukraine d’aujourd’hui. Un peuple opprimé, une culture effacée, les enfants comme premières victimes. Il faut lire les enfants d’abord. C’est aussi essentiel de connaître Janusz Korzak que Maria Montessori, puisqu’il est reconnu comme le précurseur et l’inspirateur de la convention des droits de l’enfant. Aussi essentiel de lire ses mémoires que celles d’Etty Hillesum, puisque leurs vies nous rappellent combien il est important de transmettre amour, joie et espoir en réponse à la barbarie. Que pour changer le monde et défendre les libertés, il faut endosser de grandes responsabilités, parfois jusqu’au sacrifice. Nos enfants sont notre avenir, ils méritent toute notre attention et la plus belle éducation. Les enfants d’abord !

Chronique de Mélanie Friedel – Huguet

© Steinkis, 2022.

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