LÉVIATHAN T1

«Espace, frontière de l’infini vers laquelle voyage notre vaisseau spatial. Sa mission de cinq ans : Explorer de nouveaux mondes étranges». Et blablabla, ce sont des foutaises tout ça ! C’est juste une vaste et sombre étendue où dès qu’il arrive un pépin, on se retrouve vite dans la mouise. Pour en avoir le cœur net, embarquez à bord du Léviathan de Shiro Kuroi aux éditions Ki-oon. Ce manga vous transportera pour une charmante destination à des années lumières de Fhloston Paradise.

Trois pilleurs d’épaves entrent à l’intérieur d’une immense embarcation en perdition disparue depuis des lustres. Elle se nomme le Léviathan et ressemble à un paquebot géant. C’est comme si le Titanic aurait été percuté non-pas par un iceberg mais plutôt par un astéroïde. A y regarder de plus près, l’un des pillards trouve au sol le journal intime du jeune Kazuma. Partant explorer les restes du navire en ruine, le brigand décide de jeter un œil au dit carnet.

Kazuma Ichimose participe à une sortie scolaire en mode low cost. Il part de la Terre pour rejoindre les colonies de Proxima du Centaure. La vie va bon train, les professeurs Senda Senri et Momose Yuriko gèrent une classe en pleine fleur de l’âge. Les hormones sont en ébullition. Le groupe se compose du mâle alpha, d’un costaud, du premier de la classe, de filles «fashion», de pipelettes sans oublier les mauvaises langues. En bref, cette magnifique brochette de boutonneux réclame une attention de tous les instants. Au milieu de cette basse-cour improvisée, déambulent les marginaux Kazuma et Futaba Nikaido. A peine échangent-ils quelques mots que leur moyen de transport est frappé de plein fouet par des météorites. Les systèmes de contrôle du  Léviathan sont sérieusement endommagés.

Le pire reste à venir, les émetteurs permettant l’envoi de signaux de détresse ont été détruits lors de la collision. Les deux adolescents surprennent une discussion secrète entre monsieur Senda et un robot de maintenance. Il ne resterait approximativement que cinquante heures d’oxygène et une seule capsule de survie cryogénique. La virée tourne au cauchemar, que faire ? Des passagers commencent à disparaître mystérieusement voire à décéder brutalement.

Retour au présent, les resquilleurs continuent l’exploration à leurs risques et périls. Ils s’aperçoivent que l’astronef est jonché de pièges, maintenant l’enquête est ouverte pour découvrir l’identité du survivant.

Le conte macabre à la limite claustrophobique convient parfaitement pour définir le titre de Shiro Kuroi. L’auteur s’écarte des standards de la production nippone pour proposer une œuvre à la fois sinistre, poisseuse et nimbée de désespoir. Il instaure une ambiance malfaisante grâce à la caractérisation de personnages plus proches du superprédateur que de l’individu lambda. Nécessité fait loi. Kuroi brosse un portrait assez peu reluisant de la condition humaine sous le prisme de Kazuma l’éternel angoissé où de la psychotique Futaba. L’artiste confronte ses protagonistes à des choix cornéliens qui les poussent à commettre des actes radicaux et odieux. L’homme y dévoile sa nature foncièrement fausse et mauvaise. Ce récit SF d’épouvante se joue à huis-clos, il nous noue l’estomac grâce à un rythme oppressant conjugué à une haute teneur en terreur.

 L’influence de Métal Hurlant plane sur les pages de ce manga. Shiro Kuroi signe une partition  graphique inhabituelle, Richard Corben renaît sous sa plume. Sa mise en scène racée est délicieusement inquiétante. Son dessin fourmille de petits traits, les hachures débordent des cases. Le crayonné puissant s’allie à des lignes troublantes pour gagner en dimension. L’angoisse pèse sur l’esthétique, l’immersion visuelle est totale.

Certains diront que les enfants peuvent se révéler vraiment flippants, Léviathan se pose définitivement comme le nouveau titre étendard de la frayeur cosmique.

Chronique de Vincent Lapalus.

© Editions Ki-oon, 2022.

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