Je ne pouvais pas finir le mois de mars, mois du printemps et de la lutte pour les droits des femmes, sans vous parler de « Vivaces »! Un roman graphique autour de l’écologie, qui casse les codes, avec une héroïne métisse, et sa mamie écoféministe! Pour une première BD, les soeurs Pauline Torregrossa, illustratrice, et Lucile Torregrossa, journaliste, ont réalisé une véritable ode à la nature et aux femmes. L’œuvre est parue en novembre 2021 aux éditions Des ronds dans l’O. J’ai eu la chance de les écouter présenter l’album à la maison de la BD, le 8 mars 2022, dans le cadre de la semaine « elles » à Blois.
C’est une expérience de Pauline au sein du « Fonds pour les Femmes en Méditerranée », en tant que chargée de projets, qui sème les premières graines de Vivaces. Ce projet naît de la découverte de différents mouvements écoféministes, de femmes iconiques ; de l’envie de diffuser ces énergies incroyables à un large public, sans assommer le lecteur ; de les rendre accessibles aux jeunes. Après différents essais, le choix de Lucile se porte donc sur une fiction, permettant d’incarner le récit et d’ajouter des matières plus sensibles aux données scientifiques ou historiques, comme des chansons, poèmes et narrations orales.
Inaya est une jeune adolescente qui cherche ses repères entre une planète qui se dérègle, la sortie de l’enfance, un harcèlement raciste… Elle trouve en sa mamie une alliée formidable pour se réparer et se construire. Marthe, ancienne militante contre le projet de centrale nucléaire de Plogoff, en Bretagne (autour de 1980), enveloppe sa petite-fille de tendresse et fait oeuvre de transmission. Elle lui partage aussi bien l’amour du potager que les histoires de battantes, qui passent du statut de victimes à celui d’actrices de leur futur, et changent le monde. Car ce sont les femmes, en charge du quotidien, qui sont les plus sensibles aux catastrophes naturelles. Et si elles sont concernées dans de multiples domaines, même localement, elles ont le pouvoir de s’affirmer.
L’illustratrice a réalisé l’ensemble des pages à l’aquarelle, avec une reprise par tablette graphique. Le style est à la fois doux et coloré, avec des dégradés nuancés, traduisant une volonté affirmée de garder de la joie, prendre soin en offrant de belles images. Les contours ton sur ton pour les dessins créent une atmosphère chaleureuse, poétique, sensible. Si les végétaux sont dans l’ADN de l’album, du titre aux pleines pages introduisant à merveille chaque chapitre et chaque saison du récit, la dessinatrice laisse également libre cours à des apparitions fugaces : une ribambelle d’animaux semble nous dire bonjour au fil des pages. Les dessins sont ainsi emplis de vie et de clins d’œil (grenouille, lézard, souris…).
Les auteures ont su trouver un très bel équilibre, entre la volonté de ne pas édulcorer, de mettre des mots sur tout ce qui provoque à juste titre la colère féminine, et une belle histoire qui nous remplit d’émotions. Elles offrent un voyage initiatique depuis la France jusqu’à la ceinture verte africaine, en passant par le Honduras ou encore les Etats-Unis. Et c’est comme si un fil magique venait relier des personnes et mouvements qui nous nourrissent, de Nina Simone à Wangari Maathai, prix Nobel de la paix.
Pauline, qui animera un stage » couleurs » à la maison de la BD à Blois en avril, donne également 3 dates de rendez-vous prochainement pour Vivaces sur sa page : https://www.paulinetorregrossa.com/. Je vous promets une rencontre apaisée et joyeuse qui vaut le détour!
Chronique de Mélanie Friedel – Huguet

©Des ronds dans l’O, 2021.