OURS

Ours , c’est une bande desssinée sur… Un chien ! Mais pas n’importe quel chien. Un chien d’aveugle, nommé » Ours » ; mi-labrador chocolat, mi-golden retriever. Qui devient aveugle. Et va trouver refuge auprès… D’un Ours. Ce roman graphique jeunesse, très riche et volontairement décalé, a été initialement publié en anglais en 2020, puis en français aux éditions Kinaye en 2021. Les auteurs sont Ben Queen, scénariste de films d’animation Disney-Pixar (Cars 2 & 3) et Joe Todd-Stanton, dessinateur talentueux. L’album a reçu le Prix Jeunesse ACBD 2021 au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, et a été sélectionné comme l’un des 100 livres de l’année 2020 par les bibliothèques municipales de New-York.

Dès les premières pages de l’aventure, on s’attache au personnage principal, un chien calme, affectueux et vif d’esprit. Il est uni par un lien spécial à Patrick, 28 ans, aveugle, réparateur de distributeurs automatique. Alors qu’Ours nous présente son travail de chien-guide, il perd soudainement la vue. Après s’être emporté dans une mauvaise rencontre, il est invité à surmonter son handicap en s’ouvrant au monde, à développer ses cinq sens, à franchir des obstacles (forêt, routes, rivière…) pour rejoindre la ville. Le récit alterne les séquences de dialogues entre humains et celles où le chien expose ses réflexions, questionnements et ses émotions. Les échanges avec une série d’animaux – ratons-laveurs, ours, chauve-souris – nous offrent des dialogues drôles et croustillants d’intelligence. Après tout, » les ratons-laveurs sont des blagueurs « . L’échappée des animaux nous offre des scènes caucaces, depuis l’ours qui trouve une vue du haut d’une église inspirante, au chien qui assiste à une séance de méditation.

La transposition du handicap au chien nous aide à nous représenter les difficultés de la cessité, mais nous rappele aussi qu’un handicapé est toujours capable de beaucoup de choses. L’album nous dévoile également les spécificités des chiens-guides. Le récit nous amène à apprécier la complémentarité de nos sens, mais aussi à dépasser nos préjugés et nos peurs. S’il ne faut pas faire confiance aveuglément à n’importe qui, on peut trouver de l’aide dans nos épreuves. L’amitié, et la complicité entre animaux et humains, sont de précieux atouts pour avancer.

Le dessin tendre, aux couleurs denses et nuancées comme du velours, est soigneusement réalisé à la tablette graphique. Le lecteur se met dans la peau des personnages. Patrick évolue » le jour « , dans un cadre lumineux et coloré, alors qu’Ours se retrouve plongé dans l’obscurité. Les visions qu’Ours reconstitue dans son imagination apparaissent dès lors comme par magie, dessinées à la craie blanche au fil des pages noires, et en couleur pour les animaux avec qui il intéragit. Le séquençage offre un très bon rythme de grandes ou moyennes cases, et de pleines pages amirables et poétiques. L’ensemble est un voyage équilibré entre paysages urbains et plus sauvages, scènes d’intérieur et d’extérieur, de jour comme de nuit, pages saupoudrées de flocons de neige.

L’ouvrage, au-delà de sa qualité esthétique donnant la part belle au ressenti, offre avec malice plusieurs niveaux de lecture. Il sera apprécié des enfants comme des adultes pour sa sensibilité, son humour fin et sa singularité. Un appel à voir le monde autrement, en accord avec qui nous sommes.

Chronique de Mélanie Friedel – Huguet