Avec la nouvelle Xuthal la crépusculaire, on aurait pu penser que Christophe Bec n’avait pas la tâche facile, qu’il n’avait sans doute pas eu de chance au tirage et qu’il était bien courageux d’adapter en BD un texte de Robert E Howard qu’on pourrait penser de prime abord simpliste et racoleur. A l’intérieur, c’est vrai, les clichés sont nombreux, les femmes dévêtues et le sang abondamment répandu. Bref, le romancier américain était à court d’argent et les commanditaires ne se bousculaient pas au portillon. Mais le destin est capricieux, ce texte au départ alimentaire est devenu un écrit fondateur qui participe à forger la légende. L’univers fantastique est parfaitement installé et son personnage principal charismatique et invincible prend toute sa dimension.
Conan est le barbare massif que l’on connaît, un colosse sanguinaire, un guerrier viril et sexy que l’artiste Frank Frazzeta venait d’immortaliser. Il est ici accompagné de Natala, une ex-captive qu’il s’est accaparée. Traqués, ils traversent le désert du sud endurant la faim et la soif, la chaleur étouffante du jour et les nuits glacées. Ils arrivent épuisés dans une cité où se déroulent des faits mystérieux. Les rencontres désagréables s’enchaînent.
Natala est prise à partie par une beauté brune déterminée qui a jeté son dévolu sur Conan, tous les moyens sont bons pour se débarrasser de sa rivale. L’affrontement est terrible entre les deux tigresses. De son côté, le guerrier a fort à faire car les assaillants sont partout et le combat très inégal.
Christophe Bec n’est pas un inconnu, le scénariste, dessinateur et coloriste s’est parfaitement approprié l’univers du héros bodybuildé. L’influence des récits de Lovecraft est évidente dans son œuvre, indiscutable dans cet opus. Elle transparaît tout autant que son aptitude à mettre en scène des récits fantastiques passionnants. Il signe un treizième volet addictif.
On est complètement bousculés et conquis par la performance de Stevan Subic. Il faut reconnaître qu’il en impose. Son découpage est incroyable. Le bédéiste serbe prend tous les risques. Pour ce volet, il impose un rythme fou, séduit et surprend. Il y a un souffle épique et une avalanche de bonnes idées. Il passe de la double page aux illustrations pleine page, alterne cases horizontales et verticales avec talent. Ses compositions géométriques dégagent une maîtrise bluffante.
Son dessin singulier, rugueux et ténébreux laisse deviner la souffrance, la cruauté, la sauvagerie d’un monde maudit. Il a parfaitement intégré les illustrations du maître de l’héroic fantasy, le père de « Death dealer » auquel il rend un hommage assumé.
Les couleurs de Giulia Brusco sont saisissantes. Elles captent efficacement la rétine et nous embarquent dans un divertissement de qualité.
Conan le Cimmérien est une collection éditée par Glénat qui mérite clairement le détour. Elle contient de belles pépites comme l’inoubliable « La fille du géant du gel » de Robin Recht. Chaque contribution est un ravissement et les explications en postface de Patrice Louinet sont toujours instructives et riches. Cet opus met parfaitement en relief une association percutante. Christophe Bec et Stevan Subic se sont bien trouvés. Le résultat est sensationnel.
Chronique de Stéphane Berducat.

© Glénat, 2022.