Après avoir illustré le diptyque historique Adelante scénarisé par Frank Giroud puis l’incroyable Un maillot pour l’Algérie en collaboration avec Bertrand Galic, Kris et Marina Martin ,l’éprouvant récit Intempérie et les deux tomes déjà parus de Violette Morris publiés chez Futuropolis, Javi Rey revient une nouvelle fois aux éditions Dupuis, dans la prestigieuse collection Aire Libre, avec une adaptation en bande dessinée de la pièce dramatique en cinq actes de l’auteur norvégien Henrik Ibsen Un ennemi du peuple. Elle fut publiée en 1882 et jouée pour la première fois en janvier 1883 à Oslo. Editée en français chez Actes Sud, elle trouve actuellement sa place dans le catalogue de la Pléiade. En 1978, la représentation est portée à l’écran par le réalisateur américain Georges Schaefer. Le rôle principal est tenu par l’inoubliable et charismatique Steve McQueen !
Si je n’ai lu ni le texte, ni vu le film, je me suis plongée avec délectation dans cette BD. J’admire le trait de l’auteur, sa mise en page, le caractère de ses personnages et la beauté de ses paysages. L’œuvre est parcourue de planches aux couleurs flamboyantes : rose, orange, jaune, vert et bleu. Tout cela lui procure une ambiance incroyablement rétro.
Thomas et Peter Stockmann ont fondé un établissement thermal sur une petite île. L’un est docteur et n’aspire qu’à la paix et au bien-être des habitants et des malades. L’autre est le maire et celui-là ne vit que pour la gloire et le profit. Thomas attend depuis des semaines une lettre qui lui permettra de terminer un article qu’il écrit pour le journal local « La voix du peuple ». Ce courrier lui fait un peu perdre le sens des réalités et sa femme le sent légèrement perturbé. De son côté, Peter complote pour racheter des terrains de ses concitoyens afin d’agrandir son consortium. Le bonhomme s’y connaît en magouilles et conspirations. Quand la dépêche arrive enfin, elle apporte au médecin la réponse qu’il redoutait. Le tracé qu’ils, enfin que son frère a favorisé, pour faire passer les canalisations qui acheminent l’eau à la cure, est pollué par des résidus dangereux. Les malades qu’il voit passer dans son cabinet depuis un certain temps souffrent d’éruption cutanée, de démangeaisons. Ils ont surement été infectés dans les bains de la source. A présent, il ne lui reste plus qu’à convaincre son frère de redéfinir le tracé. Il est bien évident que Thomas va se heurter à un mur. L’affrontement fraternel va mettre tout l’archipel en émoi.
Cette comédie dramatique a été pensée au XIXe siècle et elle étonne par la modernité des thématiques qu’elle aborde : écologie, corruption politique et même féminisme. Les années passent, certaines choses évoluent et changent, mais nous n’avons toujours pas trouvé de bonnes solutions à ces différents combats.
Javi Rey a su magistralement retranscrire et illustrer cette aventure. Tout débute en douceur, monte en puissance et finit en apothéose. Quand deux frères ne sont pas d’accord, cela se termine fatalement par une confrontation musclée…
Chronique de Nathalie Bétrix
