On pourrait aisément penser que la Justice Society of America est un titre aux protagonistes has-been, un comic-book à la papa dont la date de péremption est largement passée. Et bien, figurez-vous que non, DC Comics a confié les rênes de l’une de ses équipes les plus emblématiques à des artistes chevronnés. Que du coup, cette série vieille comme le monde devient un incontournable mitonné aux p’tits oignons par l’intermédiaire des éditions Urban Comics avec pour titre JSA – Le Nouvel Âge.
La Société de Justice est mandatée par la Ligue des Justiciers pour former la nouvelle génération de défenseurs de la Terre. Batman, Superman et Wonder Woman requièrent l’aide d’Alan Scott (le gardien de la flamme verte), Jay Garrick (le premier super bolide) et de Ted Grant (le baroudeur Wildcat). Il est proposé aux vétérans de recruter de jeunes membres afin d’en faire les visages neufs pour la protection de la veuve et l’orphelin. Ni une ni deux, cet escadron cinq étoiles s’attelle à la tâche et dans la foulée, Power Girl sera nommée cheffe. La team fait parvenir les candidatures comme des cartes de vœux et sélectionnera les descendants directs des porteurs de capes. Quoi de mieux pour parfaire sa formation que de se retrouver dans le feu de l’action !
Les «papys» costumés vont avoir un sacré boulot avec l’arrivée massive de cette imposante bleusaille (il en faut pour tous les goûts). Ils n’auront pas le temps de se reposer sur leurs lauriers et affronteront les soldats du Quatrième Reich. Ensuite la Société et Ligue de Justice uniront leurs forces afin de retrouver une partie de la Légion des Super-Héros dispersée ici et là. Ce bataillon issu d’un futur lointain voyage dans le temps pour modifier le passé et ramener une des flèches écarlates perdue dans la force véloce. Pour finir, la JSA devra gérer un Superman aux tempes grisonnantes parachuté d’une dimension parallèle venu rechercher une divinité tueuse de demi-dieux. Quel programme alléchant!
Geoff Johns partage la rédaction des histoires avec Brad Meltzer et Alex Ross, le Norman Rockwell des comics. Ces surhommes existent depuis 80 ans et respirent la nostalgie à plein nez. Coécrire à six bras aurait pu s’avérer une tâche délicate mais l’exercice se révèle avoir été un concentré fun et délirant. Les créateurs respectent l’aspect mythologique mais trouvent des angles originaux avec des récits aux rythmes effrénés, des situations rocambolesques et des dialogues modernes. Les synopsis sont énergiques et ne manquent pas de rebondissements en tout genre. Le trio de scénaristes exploite sur le ton de la légèreté ce choc des cultures entre djeuns et seniors. Ils intègrent également à la continuité les sagas monumentales Crisis on Infinite Earths ou Kingdom Come. C’est tout bonnement l’héritage flamboyant du Golden Age vu par un regard neuf pour rendre la JSA accessible aux fans hardcore comme aux lecteurs néophytes. Johns, Meltzer et Ross s’éclatent comme des gosses. Ils ont un don certain pour nous changer les idées ajoutant au passage une certaine fraicheur.
Dale Eaglesham, Fernando Pasarin et Ed Benes se relaient aux crayons. Ce sont des artistes solides, réguliers qui livrent une prestation impeccable. Ils animent la flamme séquentielle avec leurs talents conjugués, Leurs styles sont différents mais excellents. Chacun apporte sa patte à l’ouvrage pour donner de l’attractivité au dessin. Il se déploie par le crayonné suave d’Eaglesham, au découpage vigoureux de Benes et au trait subtil de Pasarin. L’illustration est toujours en nette progression, les planches sont brillamment exécutées. Les différents encreurs et coloristes successifs augmentent la qualité de chaque épisode par l’application très professionnelle de l’encre de chine et des couleurs. Le graphisme déjà colossal gagne en modelé, fond et forme. La mise en page se veut généreuse et ça c’est chouette.
En cette période difficile, laissons-nous transporter à travers le délice d’une (re)lecture riche et distrayante de 480 pages du genre super-héroïque grâce à l’édition luxuriante de JSA – Le Nouvel Age proposée par Urban Comics. La seule chose rageante, ce sont les mots « à suivre » en fin de volume qui nous laisse une fois de plus dans l’attente.
Chronique de Vincent Lapalus.