SOUS LES GALETS LA PLAGE

Sous les galets la plage, c’est la dernière bande dessinée éditée par Rue de sèvres de l’auteur et réalisateur Pascal Rabaté.

L’artiste qui vient de la gravure manifeste un besoin évident de ressentir le papier c’est sans aucun doute ce qui contribue à faire de ce livre un objet particulier à la fois élégant et beau avec des feuillets épais et agréables au toucher.

C’est une ode splendide à l’émancipation dans une France moisie. Le bédéiste nous plonge en 1963, à un moment où l’Algérie obtient son indépendance.

En France, le climat est lourd et tendu, c’est la fin des illusions, une page se tourne.

C’est dans ce contexte qu’il imagina la rencontre entre une jeune fille sans racines Odette et un garçon bien né Albert. L’histoire se transforme en une aventure immorale qui bousculera des vies tracées, des destins mornes qui auraient ravi les bien-pensants mais le scénariste, dessinateur et coloriste en décida autrement. On y parle de braquages et les personnes non recommandables ne sont pas forcément celles que l’on croit.

Dans ce one shot qui est né quelques heures après une balade au bord de la mer hors saison pendant laquelle il observa les résidences secondaires désertes, Pascal Rabaté communique sa foi en la jeunesse. Il double ce récit dont la trame s’est rapidement imposée à lui d’une réflexion sur l’empreinte que l’on laisse mais aussi sur ces biens que l’on acquiert au détriment du plaisir.

Avec ce livre dessiné auquel il consacra un an et demi de travail, il renvoie tous les vieux sages au placard réaffirmant que tout est possible, que le pessimisme en vigueur n’est pas une fatalité.

Il signe des personnages extrêmement intéressants et fouillés. Pour son héroïne il a privilégié la fraîcheur à l’esthétisme, un parti pris qui apporte un charme naturel et pas mal de spontanéité.

On ressent un soin spécifique apporté à la psychologie des personnages, il a brossé des portraits détaillés et convaincants qui font que l’on s’attache à des acteurs principaux finalement bien sympathiques.

Il y a un point de vue narratif singulier, de la poésie, un soupçon de révolte, une mise en scène invisible, une science du cadrage, des champs et des contrechamps. Le cinéaste a travaillé comme on monte au cinéma, le parallèle entre les deux disciplines est évident.  Avec ses pages de garde originales et intrigantes qui constituent un doux clin d’œil à Alain jacquet, il nous renvoie immédiatement dans des années 60 tournées vers la modernité.

Il nous saisit avec un dessin traditionnel vivant à la fois réaliste, sobre et racé qu’il réhausse au crayon afin d’apporter du relief et de la profondeur.

Les couleurs pâles, désaturées, subtiles et douces mettent en valeur des illustrations dosées et délicates.

Le récit est extrêmement limpide, les textes sont rares. On déflore l’épais roman graphique avec un bonheur évident.

Sous les galets la plage est un album qui compte, que l’on referme puis qui fait son chemin.

Avec cet opus fort, riche de sens, qui nous percute, nous bouscule et nous séduit Pascal Rabaté partage avec nous ses angoisses, ses convictions, agacements et espoirs. 

Il s’en dégage une confiance en l’homme et en l’amour qui font du bien mais également une fausse facilité qui résulte d’un savoir-faire impeccable.

Chronique de Stéphane Berducat.

© Rue de Sèvres, 2021.

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