LA BRIGADE CHIMERIQUE : Ultime renaissance

Et si le super-héros n’était pas une invention ou propriété purement américaine ? Qu’en réalité, nos cousins du Nouveau Monde n’étaient pas les leaders de l’illustré bon marché ? Qu’ils aient simplement pillé un vivier européen riche de ces êtres extraordinaires pour mener le monde de l’édition où il en est actuellement ? C’est ce que nous prouvent des artistes avec la Renaissance Ultime de la Brigade Chimérique aux éditions Delcourt. Magnéto Serge !

1939, l’Allemagne fasciste est à nos portes. Elle envahit l’Europe, le cauchemar hitlérien s’abat sur les rues de la capitale. La désillusion gagne le cœur des gens et touche la population au niveau mondial. L’équipe de défenseurs français de la justice pour tous disparaît étrangement de la pensée collective et les rêves d’utopie s’éclipsent également avec ses dignes représentants.

De nos jours, les professeurs Charles Deszniak et Greg Ulm sont sollicités par Jean-Michel Hirsch de la préfecture du Grand Paris par l’intermédiaire de Nelly Malherbe. Ils font partie du C.R.H où ils sont  explorateurs et enquêteurs des phénomènes paranormaux du vingtième siècle. Charles dit Dex ainsi que Greg, sont dépêchés par les hautes instances pour reconstituer un bataillon inédit de surhommes afin de stopper le Maître des rats. 

Le monarque des rongeurs provoque la panique dans le métro parisien et ses sous-sols. La peur qu’il dégage transforme toutes les personnes à proximité de lui en mammifère vorace et prolifique. Les galeries souterraines sont devenues son royaume. Le Maître des rats n’est que la partie émergée de l’iceberg car il n’est autre que le héraut d’une puissance maléfique et porteur d’un bien sombre message venant d’un objet en approche du nom de code C 2021F8 depuis les tréfonds de l’univers.

La menace est un titan cosmique du nom de Chob. C’est un destructeur de planètes, un éradicateur d’espèces, c’est une menace stellaire sérieuse. Dex s’improvise meneur. Il part sillonner les quatre coins du globe en Stratogyre afin de récupérer L’Homme Truqué, Félifax la femme tigre, le Soldat et la nouvelle incarnation de la sorcière Palmyre. Cette réunification promet une croisade dantesque avec un grand final où deux forces suprêmes vont rivaliser et en découdre jusqu’à faire crépiter l’air ambiant dans un affrontement biblique.

Serge Lehman propose une relecture des mythes au sens large grâce à ce condensé de pur bonheur s’étalant sur près de 240 pages. Le scénariste revient aux fondamentaux en créant une supra et infra continuité à l’aide de la modernisation de ses personnages. Il mélange les faits historiques aux concepts science-fictionnels et fantastiques. Le merveilleux fait un come-back en force, il se déploie avec crédibilité et singularité. Ce qui fait de ce projet ambitieux quelque chose de spécial, spectaculaire et surtout magique. L’auteur se sert de l’Hypermonde comme d’un terrain de jeu fertile pour l’imagination dans lequel s’associe un univers de tous les délires littéraires. Serge Lehman est un archéologue historique et culturel. A travers le spectre des légendes et du folklore, il nous offre une bande dessinée excitante et énergique. L’écrivain joue avec plusieurs strates de lecture, la métatextualité du récit pousse le lecteur à une perception critique pour savoir jusqu’où peut aller la création pure. Ce subtil métissage de diverses influences s’étale sur une période de cent ans de publications en bande dessinée populaire mais Lehman se focalise principalement sur l’intention et garde en tête que la priorité reste son histoire.

Stéphane De Caneva supervise la partie graphique, ce faiseur d’images avait déjà collaboré avec Serge Lehman sur Metropolis. De Caneva présente un art séquentiel époustouflant à grande échelle tout en employant un découpage précis et équilibré. Il n’empêche que l’esthétique démesurée est habitée par l’esprit du King Kirby. Ces «New Gods» se sentent à l’étroit dans leurs cases, ils sont prêts à faire exploser les gaufriers à tout instant de par leur capacité d’impact. Le crayonné et l’encrage son flamboyants, les pages sont garnies et fignolées jusque dans les moindres détails. L’illustration atteint des sommets de gigantisme, l’amplitude du trait s’exécute dans une atmosphère passionnelle avec le respect des classiques du genre mais de manière moderne. Le dessin sémillant dispose d’un réel pouvoir de séduction, la relève est assurée.

Lou quant à lui est le Mister Miracle de la colorisation, sa palette de couleurs est soignée en plus d’être brillamment appliquée. Il exploite une gamme de teintes sans faille. La clarté de certaines nuances côtoie les rouges, jaunes et orange bouillonnants qui accentuent l’action lorsque tout dérape. La pigmentation enchanteresse instaure un climax sensationnel, à l’image des travaux scénaristiques et artistiques de la série.

Le retour de cette escouade n’est plus une chimère mais il amorce la résurrection du comic-book français. Les créatifs à la tête de cet ouvrage font preuve d’une énorme inspiration et frappent très fort mais pas seulement dans le domaine du divertissement, ils démontrent que de belles choses peuvent naître de l’horreur. Avec pour seul cri de ralliement : Brigade, rassemblement !      

Chronique de Vincent Lapalus.


© Delcourt, 2022.

  
  

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