LA DAME BLANCHE

Quentin Zuttion fait partie de ces auteurs qui savent traiter les sujets sensibles avec une étonnante délicatesse et une prodigieuse élégance. Après l’incontournable Appelez-moi Nathan, en collaboration avec Catherine Castro et Touchées, pour n’en nommer que deux, La dame blanche aux éditions Le Lombard fait partie de ces récits qui nous bouleversent. Evoquer la fin de vie d’un être cher ne fait plaisir à personne, Quentin Zuttion a su trouver les mots justes pour nous familiariser avec l’idée qu’un jour un parent partira loin de nous dans une autre dimension.

Estelle et Sonia sont infirmières à la maison de retraite « Les coquelicots ». Tous les jours, elles se mettent à la disposition de leurs pensionnaires et des familles qui viennent leur rendre visite. Laver des corps fatigués, écouter des réflexions des anecdotes ou des divagations. Les voir arriver et les accompagner jusqu’à leur dernier souffle.

Estelle, donne tout ce qu’elle a pour ces petits vieux qui vivent les derniers instants de vie dans cette maison où ils ont été confiés par des enfants qui ne savaient plus comment faire avec leur père ou leur mère. La séparation est pour elle à chaque instant un déchirement et pour apaiser son chagrin, elle subtilise à chacun d’eux un petit objet : un peigne, une paire de boucles d’oreilles, la lettre « w » du scrabble de monsieur André, car il n’arrivait jamais à la placer. Ça la rassure et ça la réconforte d’avoir ces bibelots chez elle. De cette manière, elle garde un lien avec les aïeux dont elle a pris soin.

Parfois les deux jeunes femmes sortent faire la fête, pour oublier que du matin au soir elles côtoient la mort. Estelle essaie de nouer des rapports amoureux, mais c’est foireux. Quand on fait son métier, on vit un peu décalé avec la société. A 33 ans, elle a vu déjà tant de corps dont l’âme s’est échappée.

Suzanne, Germano, Sophie ou Elisabeth sont là pour un certain temps, jamais vraiment longtemps, mais ils transmettent leur savoir, apportent de la chaleur, font sourire et rire, donnent de l’amour, racontent des souvenirs, perdent un peu la tête et parfois font pleurer…

N’allez pas croire que cette bande dessinée est triste ou déprimante ! Si on a les yeux un peu humides, un léger goût salé au coin des lèvres, elle propage par-dessus tout un sentiment d’apaisement. Il émane de ce roman graphique une douceur veloutée et elle offre une délicieuse chaleur qui met du baume au cœur.

Si l’album est majoritairement composé de la teinte bleue, l’auteur a habilement agrémenté certaines images d’une subtile touche colorée : quelques taches de vieillesse brunes, l’incandescence d’un bout de cigarette en rouge et une console de jeux parée de jaune. Puis tout à coup, au détour d’une page, nous nous retrouvons face à une explosion de couleurs. Celles-ci sont déployées avec flamboyance pour animer des moments marquants qui surviennent dans l’existence de notre héroïne. 

La lecture de la nouvelle composition de Quentin Zuttion, m’a profondément émue.  Le sujet est adroitement exposé. Il nous embarque dans une ritournelle sensorielle, où l’on passe du rire aux larmes. On ne peut que ressentir une profonde empathie pour cette jeune infirmière, qui, trop prise par son travail et ses émotions, finit par perdre pied.

La fin imaginée par l’auteur est surprenante et inattendue et elle termine ce très bel objet en apothéose…. Eblouissant !

Chronique de Nathalie Bétrix

© Le Lombard, 2022.

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