Graines de cheffes

En juin 2021 paraissait chez Rue de Sèvres une BD qui mérite qu’on revienne dessus : Graines de cheffes, de Lily LaMOTTE & Ann Xu. Deux autrices, déjà, c’est chouette ! Et puis il faut souligner que Lily LaMOTTE se lance dans sa première écriture d’album, et c’est bien trouvé ! Cici, adolescente taïwanaise très proche de sa grand-mère, voit sa vie basculer lorsque ses parents décident de partir aux États-Unis. Sa mamie lui manque terriblement. Aussi, elle souhaite plus que tout la faire venir pour fêter avec elle et ses parents ses 70 ans. Mais comment faire pour payer le billet d’avion ? Motivée par ses nouvelles amies, Cici s’inscrit à un concours de cuisine pour les moins de 15 ans. L’histoire est riche en rebondissements, entre les étapes du concours, les attentes très fortes du père concernant les résultats scolaires, et les amitiés qui se tissent au fil des pages.

Le concours de cuisine tient le lecteur en haleine, et lui propose de savoureux regards croisés sur différents types de cuisine, taïwanaise, française, italienne… Au-delà, les 207 pages, écrites à la première personne, laissent le temps de suivre comment Cici découvre et s’adapte petit à petit à la société américaine, et surtout comment elle jongle pour répondre à la fois aux attentes et nouveautés – multiples – et à son désir très profond et touchant de revoir son A-Má. Si ses amies viennent à la maison, ne vont-elles pas fuir devant les coutumes taïwanaises ? Comment annoncer une mauvaise note à son père sans risquer qu’il la prive du concours ? Comment gagner le concours alors que Cici ne connaît aucune recette de cuisine américaine ?

Mais surtout, une question centrale, fil rouge de la bande dessinée est celle-ci : Comment s’affirmer face à un parent qui trace un avenir pour nous – à notre place ? Aussi bien Cici qu’une de ses amies doivent faire face au destin imaginé par leurs pères. Elles vont chacune, à travers le concours, trouver le courage de dépasser leur peur de décevoir et se construire avec détermination.

Si les dessins sont assez simples et colorés, la part donnée aux textes est bien équilibrée, et l’accent est mis sur la transmission des émotions dont l’album est riche : joies, peurs, morosité, hontes, surprises… Les couleurs en arrière-plan contribuent au dynamisme de la bande-dessinée. Parfois le dessin se fait plus libre et nous offre quelques pleines pages très intéressantes, qui rythment la bande dessinée en offrant des plans plus travaillés, de l’ambiance du marché aux ingrédients successifs. Par son format compact (A5) et son style narratif, cet ouvrage se rapproche des mangas, mais se lit de gauche à droite.

C’est une BD qui invite à tisser ou garder des liens, avec ses amis, sa famille, par la cuisine ; un livre sur les questions d’identité, d’intégration, sur la richesse de la diversité culturelle, qui mérite d’être mis en avant, des librairies aux CDI, pour être lu par le plus grand nombre, dès 8 ou 10 ans.

Chronique de Mélanie FRIEDEL-HUGUET

©Rue de Sèvres, 2021;

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