LE MONDE SANS FIN

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’énergie et le dérèglement climatique sans jamais oser le demander de peur de ne pas tout comprendre est réuni dans l’album Le monde sans fin qui vient  de paraître aux Éditions Dargaud. On y retrouve le dessinateur Christophe Blain dans le rôle du candide qui dialogue avec Jean-Marc Jancovici, « spécialiste » des énergies et du changement climatique. C’est clair comme de l’eau de roche (à ne pas confondre avec l’huile de roche), lumineux et en plus on sourit souvent.

Ce qui m’a séduit dans ce cet album passionnant, c’est la façon d’aborder le sujet non pas par le petit bout de la lorgnette mais dans sa globalité. C’est un état des lieux tenant compte des enjeux économiques, écologiques et sociétaux. Ouh la, la belle prise de tête me direz vous et bien non pas du tout. C’est traité de façon ludique, extrêmement imagée et l’omniprésence d’Ironman, véritable trouvaille, y est pour beaucoup. J’y reviendrai. 

Alors Christophe Blain, c’est ce talentueux dessinateur, l’un des rares avec Baru, Prado, Spiegelman et Saatouf  à avoir reçu  deux fois le prix du meilleur album du festival d’Angoulême pour le tome 1 d’Isaac le pirate, et le tome 2 de Quai d’Orsay.

Jean-Marc Jancovici lui a de multiples cordes à son arc : ingénieur polytechnicien, enseignant à l’École des mines de Paris. Président du think tank « The Shift Project » co-fondateur de la société de conseil Carbone 4. Depuis des années, il cherche a convaincre de l’importance et l’urgence de s’intéresser au climat et ce à travers tous les moyens dont il dispose : livres, articles, conférences, séminaires, vidéos Youtube.

Comment ces deux-là se sont-ils rencontrés ? Le prologue est là pour nous l’expliquer. Eté 2018, la canicule fait prendre conscience à Christophe Blain des enjeux climatiques. Terriblement angoissé, sur les conseils de son frère, après avoir visionné de nombreuses vidéos de Jancovici, il prend contact avec lui afin de lui proposer d’en faire une bd. Autant dire que l’intéressé a aussitôt sauté sur l’occasion d’élargir son public, lui qui s’est donné pour mission de faire comprendre le plus simplement possible au plus grand nombre un problème extrêmement complexe. Et c’est réussi !

La réflexion est structurée en chapitres qui s’emboîtent et se complètent : une première partie véritable histoire de l’énergie et les répercussions de son utilisation sur nos modes de vie, une seconde partie consacrée au climat et la nécessité de sortir des énergies fossiles qui débouche sur un chapitre consacré aux énergies non carbonées. Après cet état des lieux,  une dernière partie sera consacrée aux choix à faire non seulement sur l’énergie ou les énergies  mais également sur l’alimentation, les transports, le logement, la consommation, en cessant d’écouter les sirènes de notre striatum. Vous ne savez pas ce qu’est le striatum ? C’était également mon cas avant de me plonger dans l’album.

Ça c’est pour le fond ; Passons maintenant à la forme.

On dit souvent qu’un dessin remplace parfois un long discours et cela se vérifie ici.

Les textes de ce « Monde sans fin » sont denses, mais tout à fait accessibles et ce grâce à la mise en images et notamment aux métaphores visuelles extrêmement bien trouvées, la première étant le fameux Ironman.

Eh oui, grâce aux énergies fossiles, on est tous devenus des super héros à l’exosquelette constitué de machines dopées aux énergies qui viennent remplacer nos muscles. Autres comparaisons pour la puissance énergétique que nous utilisons sans nous en rendre compte : la conversion en jours de travail d’un esclave ou en nombre de cycliste qui pédalent pour nous.

Il y a mère Nature aussi, allégorie de la nature représentée par une femme aux longs cheveux roux aux traits de plus en plus tirés nonchalamment allongée qui est là pour tirer la sonnette d’alarme et nous faire réfléchir aux conséquences de notre consommation.

La question qui risque d’en fâcher plus d’un c’est sa défense du nucléaire. Et sa minimisation des dangers que ce soient les répercussions des accidents comme Tchernobyl ou Fukushima ou l’enfouissement des déchets. Mais à l’heure actuelle, la seule énergie pilotable, décarbonée et dense outre l’hydroélectricité est le nucléaire. Pour lui, je le cite, « le nucléaire est un parachute ventral qui permet d’atterrir en évitant de se fracasser quand les combustibles fossiles ne seront plus là, »

Dans ce pavé de près de 200 pages, tous les enjeux sont posés. Face à l’urgence climatique, à nous maintenant de trouver  la voie pour sortir de l’impasse en sachant que quels que soient nos choix il y aura des inconvénients. A nous de définir ceux qu’on accepte et ceux qu’on rejette.

Chronique de Francine Vanhée.

Laisser un commentaire