Je lis religieusement tous les albums qui évoquent John Constantine. D’ailleurs je me demande si cette immonde enflure n’est pas à ma poursuite. Mais c’est toujours un bonheur de suivre ses péripéties et surtout quand ce sont des épisodes inédits en France. Jamie Delano présente Hellblazer tome 3 dans la collection Vertigo Signature aux éditions Urban Comics en est un joli spécimen.
Ce fumier de Constantine traîne sa carcasse dans son imper crado avec sa légendaire désinvolture. Il va se retrouver de nouveau dans des affaires plus que louches. Dans ce pavé d’approximativement 500 pages, le mage escroc affrontera une galerie de menaces hostiles et particulièrement néfastes comme à l’accoutumée.
Défier un tueur en série spécialisé dans la famille ? Même pas peur. Aider un pauvre bougre qui subit quotidiennement l’horreur paternaliste ? Pas de problème. Se débarrasser de la daronne de son unique pote, magicienne elle aussi qui se cloître dans sa chambre et possède une femelle chimpanzé tordue et démoniaque ? Une sinécure. La situation va se corser pour ce cher John quand il aura à mener une bataille contre son jumeau tué dans l’utérus de sa défunte mère. Et pour finir, il devra renverser des politicards et la sainte royauté à l’aube de ses vieux jours. C’est un joli programme en perspective me direz-vous ?
Eh bien oui ! Mais il faut bien avouer que cet indécrottable salopard se sort de toutes les situations avec insolence. Constantine est armé de sa célèbre Silk Cut à la bouche et aidé par son sens cinglant de la répartie. Par contre, les combines plus que douteuses et la pratique de la magie noire sont un lourd tribut à payer. Elles auront un impact direct sur sa psyché. Le magicien au karma infernal est une fois de plus arrogant et la « note » risque d’être salée lorsque son entourage va se retrouver pris à partie. Son père Thomas reviendra les hanter sa nièce Gemma et lui. Pourquoi ? Tout simplement parce que le paternel finira comme victime collatérale, il aura eu le malheur de croiser le chemin du boucher des foyers. John tentera se trouver un semblant d’équilibre en allant se réfugier dans le bus de Mary et Mercury, la jeune médium qu’il sauva dans le tome précédent. Ses démons intérieurs le hantent et la tragédie devient trop insurmontable. Constantine ne s’occupe pas seulement de conflits surnaturels, démons, princes des enfers ou pratiquants maléfiques. Il s’intéresse également à l’épouvante quotidienne. Avec lui, la classe s’accompagne assez souvent d’un gros soupçon de crasse.
Jamie Delano porte à bout de bras le titre étendard du label Vertigo. Ce comic-book possède un édito solide sous l’impulsion de l’immense Karen Berger. Le scénariste élève le niveau en apportant de la richesse et de la maturité à cette bande dessinée. Il dégaine la critique de manière assez acerbe. L’auteur met toutes ses tripes sur cette série. Delano bouscule et secoue les bonnes mœurs ainsi que l’autorité. Il est évident que sous sa plume, les histoires prennent un virage de terreur urbaine qui fait la spécificité d’Hellblazer sur le marché. Il signe des épisodes ambitieux et assez éloignés du politiquement correct, ils serviront de feuille de route pour les scénaristes qui lui succéderont afin de laisser une empreinte durable.
Pour la partie graphique, Sean Phillips, Steve Pugh, Dave McKean, David Lloyd, Philip Bond et quelques autres se passent le crayon pour la mise en page. Hellblazer commence à attirer le haut du panier des illustrateurs. Ces dessinateurs, débutants ou confirmés pour certains, fournissent des planches à l’atmosphère lourde. L’illustration baigne dans la pénombre et les ténèbres. Le style employé est souvent ardent, tranchant et ombré. La combinaison est parfaite entre le classicisme glauque du crayonné et la british-touch du script. L’esquisse est brute de décoffrage et tout simplement puissante.
Une fois de plus, je me suis bien laissé berner par l’enfant bâtard d’Alan Moore. Cet antihéros a toujours suscité un très vif intérêt chez moi avec des aventures brillantes qui sentent le tabac froid et le souffre. Cette œuvre reste mythique et mystique grâce aux bons soins des éditions Urban Comics.
Chronique de Vincent Lapalus.