C’est un aller simple pour l’Irlande que nous offre Rodolphe avec Marie-Mae, le premier volet d’une fresque familiale distinguée et séduisante intitulée O’Sullivan.
Avec son collègue Marc Rénier, il nous plonge efficacement dans une saga captivante éditée par Delcourt.
D’emblée, par le biais d’une couverture réussie et engageante les bédéistes annoncent la couleur en évoquant l’exil forcé, le courage et la rudesse des gens d’autrefois mais aussi une approche graphique singulière et puissante.
Dans cet épisode, on a le bonheur de suivre une double intrigue. Dans un premier temps, on accompagne un écrivain célèbre dans sa démarche créatrice. L’auteur à succès souhaite revenir sur ses origines afin de rédiger un livre sur son histoire personnelle. Il s’installe dans une petite maison, part à la rencontre d’ habitants accueillants et nous entraîne dans une enquête prenante. L’homme est sympathique et il est plaisant de le suivre dans ses réflexions et recherches et de découvrir l’aventure des siens à travers les années.
On suit en parallèle sa belle aïeule, une femme qui comme des millions d’autres fut contrainte à l’ émigration à cause de la terrible famine qui frappa durement le pays à partir de 1846. Elle embarqua enceinte dans un bateau cercueil. Elle échappa miraculeusement au typhus, à la dysenterie et au choléra, arriva au Canada où après avoir donné naissance à son fils Erwin, elle connaîtra diverses péripéties, pas toujours réjouissantes.
Rodolphe nous tient en haleine facilement faisant preuve d’un indiscutable savoir-faire. Il pose le cadre puis il déploie son intrigue avec intelligence. Par le biais d’une narration croisée très habilement développée, il capte notre attention et nous entraîne à la découverte d’un fait historique majeur mais aussi d’un terrible secret.
Il livre un scénario qui respire des recherches poussées, mais qui témoigne également d’une fibre littéraire et d’un style romanesque réjouissant. Il y a des images délicieuses et des événements qui sont finement juxtaposés. La culture irlandaise est totalement à l’honneur avec sa convivialité, ses pubs et une certaine mélancolie qui se dégage des sublimes paysages.
On est charmé par un découpage simple mais propice à la contemplation et à l’action. Une belle place est accordée aux cases panoramiques immersives ce qui est une agréable surprise. Elles offrent l’occasion d’apprécier les splendides décors, d’admirer des perspectives superbes, des points de vue envoûtants parsemés de massifs montagneux et d’édifices marqués par le temps.
Avec son trait fin et détaillé, des illustrations réalistes Marc Rénier démontre une justesse saisissante. Il dessine les êtres sans les embellir. Ses personnages sont expressifs, travaillés et crédibles. Si sa prestation est singulière et qu’il faut un certain temps pour s’y faire, on est finalement conquis par un style pictural qui constitue une belle invitation au voyage.
Certaines cases ressemblent à des tableaux nous invitant à l’observation et à la rêverie.
Les couleurs d’1ver2ânes nous régalent. Elle souligne avantageusement le coup de crayon du dessinateur belge. Elle enrichit les scènes de couleurs et d’ambiances enivrantes qui collent à la représentation que l’on se fait d’un lieu préservé et enchanteur. Elle restitue parfaitement le climat océanique de la troisième plus grande île d’Europe.
Elle apporte aux scènes maritimes une dimension grandiose, on a l’impression d’entendre les vagues s’écraser sur la coque.
Rodolphe et Marc Rénier nous proposent un premier épisode qui en impose. Ils ouvrent la porte d’une quadrilogie alléchante et prometteuse. On ressort de la lecture enthousiaste avec la sensation d’avoir entamé un roman addictif et dépaysant, un voyage au cœur des terres celtes très excitant. Vivement le deuxième tome !
Chronique de Stéphane Berducat