Le spectateur

Théo Grosjean est connu du public grâce aux réseaux sociaux, mais surtout via sa page Instagram et son personnage « l’homme le plus flippé du monde ». Avec Le spectateur, il prend un nouveau virage qui se caractérise par un scénario détonnant et par une réalisation graphique d’une incroyable obscurité. Ce titre paru dans la collection Noctambule des éditions Soleil, est entièrement crée en vue subjective. Samuel est le héros de l’histoire et c’est à travers ses yeux que l’on découvre ses mésaventures. S’il y a de rares passages ou l’on aperçoit son visage dans un miroir, le reste du temps on est installé dans son corps et on encaisse en même temps que lui tous les imprévus de sa (triste) vie.

Tout débute lors de l’accouchement du petit Samuel, qui vient à la vie tout en douceur et sans aucun bruit. Ce petit chérubin au regard détaché, semble mal à l’aise. Le personnel de la maternité n’a jamais assisté à une naissance aussi étrange.

Le mutisme de cet enfant est somme toute dérangeant et laisse ses parents en proie à de curieux sentiments. Est-il autiste ? Complémentent débile ? Une chose est sûre, face à ce bambin ils ne savent pas comment se comporter. Si sa maman essaie de composer, son père, lui, a clairement jeté l’éponge et préfère feindre l’ignorance. C’était sans compter sur l’accident mortel dont sa mère va être la victime. A partir de ce jour son père doit reprendre les choses en mains. C’est le début pour Samuel d’une existence tourmentée.

Son paternel se remet en couple avec une femme plutôt aigre qui a un rejeton du même âge que lui. On ne peut pas dire que cela va les mener à l’amour fou. Ils le propulsent dans une école pour jeunes à problèmes, où il va rencontrer l’ahurissant Yacine. Les années passent et se ressemblent, mais personne ne prend la peine de le connaître ou d’essayer de le comprendre. Il est harcelé et réprimandé, souvent battu et abandonné à son propre sort. Son patriarche une nouvelle fois célibataire, s’engouffre dans l’alcoolisme et la déchéance. Heureusement il y a Yacine, puis Judith, une jeune fille mélancolique. Ils lui apportent un peu de soutien et de réconfort. Il développe aussi des aptitudes pour le dessin, une discipline qu’il utilise depuis toujours pour exprimer ses émotions. C’est cet art qui le précipite, malgré ses singularités, au-devant de la scène…

J’ai beaucoup ri avec les deux volumes parus aux éditions Delcourt de L’homme le plus flippé du monde. Je dirais même que Théo Grosjean a « presque » réussi à me rendre parano ! Une chose est certaine, cet auteur a de fortes ressemblances avec ma fille qui s’est amusée à la lecture du premier volume des peurs improbables du bédéiste. Un rire jaune de surcroît, consécutif au fait qu’elle souffre de la plupart de ces phobies. Ils en auraient des choses à se raconter, s’ils se rencontraient….

Après deux recueils où l’orange, le blanc et le noir prédominent, Le spectateur est élaboré avec de belles teintes vert turquoise et un noir profond. Ces couleurs donnent à la bande dessinée une ambiance troublante, glaciale, voire inquiétante. Je me suis délectée de l’impression de mal-être et j’aurais voulu interagir par le biais de Samuel pour que parfois le récit prenne une autre tournure ou pour qu’il réagisse différemment face à plusieurs situations. Vivre l’aventure à travers ses yeux, nous donne, presque, l’envie de décider à sa place…

Cette immersion dans le monde silencieux de Samuel, fut une expérience captivante. Le malaise suscité par certains passages ambigus est jubilatoire. Il est évident que cet album est déconcertant et troublant, mais il ne peut clairement pas nous laisser indifférents et il mérite assurément toute notre attention !

Chronique de Nathalie Bétrix

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