SOLO T5: marcher sans soulever de poussière

On cite souvent Juanjo Guarnido et son célèbre Blacksad comme une référence en matière de narration. L’art séquentiel de cet artiste reste l’un des plus beaux fleurons de la bande dessinée. Il n’est pas le seul illustrateur à savoir manier le crayon avec brio. Un de ses compatriotes et collègue espagnol plus discret du nom d’Oscar Martin lui tient aisément la comparaison au niveau du dessin et de la technique. Mais un scénario solide compte aussi beaucoup comme le prouve ce diable de Barcelonais avec  Solo : Marcher sans soulever de poussière aux éditions Delcourt.

Legatus le mâle alpha, le survivant, le chien messianique quitte sa « colonie » et reprend la route pour trouver un sens à sa vie. Lui qui prêchait la bonne parole et l’altruisme entre les espèces dans une société qui a perdu ses repères, cherche le but ultime de son existence et qui sait peut-être l’illumination. Malgré ce départ inopiné, sa communauté de l’empathie continue de s’entendre. Les généraux (homo-sapiens) du Sud doivent gérer les insurrections d’une population mourant de faim. Eux qui gouvernaient avec une main de fer se retrouvent déstabilisés par un peuple opprimé. Au Nord, le message de cohabitation et de paix est très bien accepté. La démocratie règne désormais.

A l’Est, le mur vert avance inexorablement. La verdure reprend ses droits, elle se propage cm2 par cm2. Le désert doit céder sa place à une vaste étendue forestière. Chica l’humaine et Poderoso l’ours, les plus fervents disciples de Legatus partent dans cette direction. Désormais sans meneur, ils désirent tout de même continuer de répandre cette sérénité. Arrivés à destination, ils feront la connaissance de Diana. Elle est la cheffe des lapins et elle prône un mode de vie harmonieux, une société qui vit sainement. La viande est bannie et la nourriture est exclusivement bio. Cette confrérie tue uniquement lorsqu’elle ne peut pas faire autrement. Les deux acolytes, retrouveront-ils par la même occasion une vieille connaissance ?

L’homme récidive dans la même boucle infernale et répète à l’identique ses erreurs. Celles qui l’ont conduit à sa chute mais il désire récupérer sa suprématie. Izan le cruel, leader des parias sème la discorde dans un nouveau conflit ethnique. L’heure est au rassemblement, le Nord et l’Est doivent faire front ensemble. L’adage «Si vis pacem, para bellum » (si tu veux la paix, prépare la guerre) devient le cri de guerre de cette nouvelle coalition.

Comment définir la série Solo ? Concrètement comme le croisement effarant et insolite entre George Miller pour le scénario et Walt Disney pour la magie du dessin. Cette « Fury Road » tourmentée et étouffante de fin du monde possède un point de vue sur l’humanité critique et rugueux, elle s’allie à un trait merveilleux digne de la plus belle animation du papa de Mickey Mouse. Oscar Martin a déployé ses crayons et ses idées sur les strips de Tom et Jerry pendant vingt ans. Cette histoire possède une orientation générale consistante et profonde. Pour le reste, tout n’est que beauté. La science exacte d’une mise en page vivante, du mouvement dans l’activité de ce média si particulier voire statique. La colorisation numérique se veut terne et pâle, nous sommes bien loin de l’imagerie américaine qui use et abuse des effets de (sur)brillance. Elle reste dans l’esprit de son script, c’est-à-dire exsudé. Cet enchanteur du portemine réalise ici une démonstration de son talent graphique.

En clair, Solo fait partie de ces œuvres anthropomorphiques, telles que Blacksad ou Le Château des Animaux, qui transportent littéralement leur lectorat dans des contrées lointaines et fantasmagoriques. Il est à ranger dans la catégorie des lectures indispensables. Quant à Oscar Martin, il est à inscrire au panthéon des cartoonistes d’exception au même titre que Félix Delep et Juanjo Guarnido.

Chronique de Vincent Lapalus

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