BATMAN The dark night returns: The golden child.

Dans un avenir proche, les deux plus grands héros de la Terre sont toujours en activité. Ils sont usés et fatigués. Qu’à cela ne tienne, la relève est assurée. La bat-nana et les deux super-bambins krypto-amazoniens assurent l’intérim contre une menace grandissante en attendant que les « seniors » reviennent.

Comme mentionné en page de garde, ça va être violent, crade et génial. Mais à quoi pouvait-on s’attendre venant de la plume de Frank Miller et du crayon de Raphael Grampà? A une nouvelle pierre posée sur l’édifice du ô combien mythique Dark-Knight Returns qui s’intitule The Golden Child aux éditions Urban Comics.

Le grand détective de Gotham City et le boy scout de Metropolis sont aux abonnés absents, certainement accaparés par un nouveau conflit de dimension biblique. La colère gronde dans les rues de la ville du caped crusader. La nouvelle élection d’un président guignol provoque un soulèvement massif chez les habitants, qui font entendre leur mécontentement. Le monde est sens dessus dessous, c’est le foutoir le plus total. La population est devenue hermétique et sourde, la magie n’opère plus. L’omniscient internet est partout et embrouille l’esprit. Quand les gens se rallient en masse, ils deviennent c…Un danger qui vient principalement des « jokeristes » qui se mêlent aux manifestants pour provoquer le chaos. Mais Batwoman s’allie à Superwoman, accompagnée de son petit frère Jonathan. Elles vont faire régner l’ordre et la justice pour calmer les foules. Cette récente incarnation du world’s finest cent pour cent féminine mate toute rébellion. Leurs aînées favorisaient la paix et le dialogue social, ici il n’en est rien. Cette génération d’héroïnes s’adapte à son environnement et ne ressemble en rien à son incarnation antérieure. Elles sont jeunes, enragées, fortes et ont été formées par les meilleurs. La seule solution envisageable pour couper court aux manifestations reste l’emploi de la force létale avec une grosse dose de violence, un zeste de brutalité et quelques gadgets anti-émeutes par-dessus le marché.

Carrie Kelly (Batwoman), Lara Kent (Superwoman) et Jonathan comprennent qu’une alliance entre Darkseid et le Joker est à l’origine de cette dégringolade ambiante. Le maître para-démon d’Apokolips fait équipe avec le clown prince du crime pour semer la zizanie et prendre le contrôle de la planète par des moyens beaucoup plus subtils que d’habitude. Terminé les tentatives d’invasion et de domination forcées. Darkseid enfume, embrume et hypnotise la population. Tandis que le Joker, dont nous n’avons aucune explication pour l’instant sur sa résurrection, reste fidèle à lui-même inquiétant et imprévisible de dinguerie. Ni une ni deux, les filles retroussent leurs manches et décident de repartir à la baston pour renverser l’alliance des plus belles ordures de l’univers. Ça sent la chair à canon, la tension, la hargne et ça frappe fort tous azimuts dans chaque camp provoquant la destruction avec élégance et grandiloquence. Mais les justes non sans difficultés, parviendront à triompher du mal universel tel que le veut le récit de genre.

Dieu (Frank Miller), l’enfant terrible du comic-book revient en force avec son parterre d’admirateurs et de détracteurs. Malgré une santé chancelante où l’ombre du cancer plane toujours, l’artiste s’est éloigné de sa table à dessin mais son envie d’écrire reste forte. Pour preuve son récent Dark Knight III : The Master Race. Le rythme de ce tome est effréné, sans retenue ni mesure. Le danger sous sa prose atteint une échelle démesurée. Les jurons pleuvent. Ses femmes sont belles et sans pitié. Celui qui fut traité tour à tour de subversif puis de crypto-fasciste nous glorifie ici d’un scénario politisé, caustique et dynamique. Le scénariste ne fait de cadeau à personne. Tout le monde en prend pour son grade. D’un tempérament pessimiste, Miller nous fait part de son avis sur le sujet. Les politiciens ne sont que des bons à rien, se croyant au-dessus de la fange. Pour lui les démocrates sont des mous du genou et les républicains des tyrans. Le scénariste appuie le parallèle entre les méchants de l’histoire et les grandes figures politiques de notre monde. Les vigilantes et héros ne peuvent compter que sur eux-mêmes et sur leur détermination pour faire changer les mentalités. En clair, l’auteur dégaine sa fibre anarchiste. Miller reste l’ambassadeur du grim and gritty (sombre et violent). qu’il mélange aisément à un ton réaliste, lui-même mixé au merveilleux des histoires super-héroïques. Un artiste qui de toute manière se fout royalement de ce que le lectorat pense de lui. Il mène sa carrière comme bon lui semble et sait pertinemment que son nom pèse encore lourd dans l’industrie de la bande dessinée américaine. C’est toujours un plaisir pour moi de mettre la main sur la dernière production de ce géant qu’est Frank Miller. Je dois ma passion dévorante pour ce médium à ce très grand bonhomme. Personnellement je suis un fan « hardcore ».

Ayant réalisé une couverture variante pour le DK III, Frank Miller tomba sous le charme du coup de crayon de Rafael Grampà. Le maître se sentit totalement dépassé par le graphisme de l’artiste brésilien. D’où l’idée de proposer au génial dessinateur, un spin-off de sa légendaire interprétation du Chevalier Noir. Son dessin aborde un style très organique et vivant. Un trait arrondi et hachuré pour amener du modelé et du détail dans les designs. De la profondeur dans les perspectives. Du mouvement dans les cases, sans oublier ce côté légèrement gras qui apporte une atmosphère lourde et poussiéreuse à l’ensemble de la bande. A regarder avec la plus grande attention le sketchbook en fin de volume pour apprécier toute l’étendue du talent de ce nouveau venu dans le domaine de l’illustration. Il représente le savant mélange entre Frank Quitely et Paul Pope, c’est peu dire concernant la virtuosité de ce technicien du dessin.Jordie Bellaire embellit avec joie les planches de Grampà. Les nuances partent sur des pigmentations très urbaines. Le sombre est le ton prédominant dans l’imagerie du Bat de Gotham. Des teintes mates voire « bétonnées « qui tirent sur l’ocre. Le rouge devient un champ chromatique qui est rigoureusement lié à la lumière quand les scènes de bataille font rage. Tout devient plus éclatant et punchy quand le coloris écarlate se présente comme la couleur de la lutte. Une palette de tonalité assez vive et chromo-hallucinogène.

Pour la présente édition, The Golden Child est un épisode unique construit sur seulement quarante-huit pages. Urban Comics a eu la brillante idée de l’éditer en double pagination couleur mais aussi en version noir et blanc comme pour The Last Crusade. Malheureusement, il manque les bulles et dialogues concernant cette dernière en bichromie et cela est fort dommage. D’intéressants bonus agrémentent le volume pour compenser ce point négatif. Ce one-shot est un concentré de pur bonheur qui s’étale sur cent trente-six pages au total. Un titre qui n’est pas seulement un bon coup de pied au cul, mais aussi une magnifique droite en pleine poire qui laisse un bel hématome sous-cutané dans nos mémoires de la part du trublion du neuvième art.

Chronique de Vincent Lapalus

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