Avec Cas d’école : Histoires d’enseignants ordinaires, un élégant petit livre dessiné paru aux éditions les équateurs, Remedium signe un pamphlet questionnant mais aussi un bel hommage à ses collègues dont il expose les difficultés quand ils sont confrontés à l’isolement et à la calomnie.
Après le puissant album Les contes noirs du chien de la casse paru chez Des ronds dans l’O, l’auteur qui appartient aussi au corps professoral met en lumière avec intelligence le malaise enseignant.
Une fois encore, le bédéiste met le doigt là où ça fait mal rendant publiques des affaires souvent méconnues et pourtant régulièrement abordées dans les salles des professeurs.
Certaines, comme celles de Christine Renon, la directrice qui s’est donné la mort dans son école ainsi que celle de Jacques furent médiatisées, les autres beaucoup moins, la loi du silence peut-être… Il ne faut pas faire de vagues, dit-on…
Le recueil compile des portraits ceux d’enseignants, de directeurs, que l’artiste a réalisés au fil du temps. Qu’ils s’appellent Jean, Laurent, Sabrena, Manal, Chloé, Christine, Jacques, Annie, Fatima, Rachida, Jean-Pascal, Christophe, Cécile, l’auteur leur donne la parole, ce qui n’est pas si commun.
Ils ont tous la particularité d’être dans la fonction publique et de transmettre les valeurs de la république. Dans le cadre de leur métier, ils sont censés bénéficier d’une protection quand le besoin s’en fait sentir. Tous n’ont pas eu cette chance semble-t’il.
Et puis il y une maman d’élève et Jean-Michel, ministre de l’Éducation Nationale dont l’auteur égratigne le parcours puis le discours.
Les enseignants sont des humains pour la plupart investis et passionnés et on oublie rapidement qu’ils sont aux premières lignes. La lecture laisse entendre qu’ils sont des pions interchangeables et c’est très dérangeant.
Remedium nous entraîne dans les coulisses et c’est tout à fait passionnant. Il est parti à la quête des informations et nous livre une vision à charge assez impitoyable. Son dessin clair et lisible toujours accompagné de textes aiguisés l’est tout autant. Il dénonce une administration qui semble absente voire à côté de la plaque et plus prompte à étouffer les problèmes qu’à les régler. On connaissait les difficultés pour gérer les familles et les élèves on imagine moins cette situation. Les obstacles à l’exercice d’une fonction compliquée semblent hélas se cumuler.
Qu’en est-il de la réalité ? On peut s’interroger, l’album est au vitriol, percutant et d’une redoutable efficacité. Il fait froid dans le dos et interpelle. Les affaires diffusées avec parcimonie sur les réseaux sociaux ont connu un large succès. Elles ont été partagées massivement recevant un soutien massif de la part des personnels de l’Éducation nationale et de leurs organisations syndicales pourtant bien éteintes.
Il y a toutefois des vérités facilement vérifiables : Le statut des professeurs s’est au fil du temps dégradé, ils sont aujourd’hui la cible de multiples provocations et de plus en plus nombreux à capituler, démissionner et malheureusement aussi à se suicider.
Avec ce livret qui ne peut laisser insensible, Remedium tire la sonnette d’alarme et met en lumière un constat accablant. Il signe un outil que l’on espère utile et qui devrait susciter, c’est à espérer une réflexion en profondeur sur un métier certes magnifique mais aussi sans aucun doute de plus en plus compliqué à exercer.
Chronique de V.L.