Après un run conséquent s’étalant sur neuf volumes chez Urban Comics, Scott Snyder et Greg Capullo apportent leur ultime touche au « Bat » de Gotham avec le one-shot Batman Last Knight On Earth. Récit alternatif mais inventif qui achève un travail entamé depuis leur début sur La Cour Des Hiboux. L’histoire commence sur un ton psychologique mais ne se termine pas comme on pourrait se l’imaginer, petite explication…
Le Chevalier Noir suit une piste à la craie qui le conduira jusqu’à Crime Alley, célèbre rue où ses richissimes parents se sont fait descendre par une petite frappe du nom de Joe Chill. Un suspect est sur les lieux, le grand détective masqué tente d’intervenir mais BANG un coup de feu retentit. Le rideau se ferme pour notre héros.
Bruce Wayne reprend connaissance dans une chambre du célèbre asile d’Arkham mais sanglé. Son majordome et compagnon de toujours Alfred lui explique que sa vie héroïque n’est que pure fiction, qu’il est le principal responsable du décès de sa propre famille et enfermé depuis tout ce temps suite au trop grand choc traumatique causé par cet acte horrible.
Ni une ni deux, Batman enfile son plus beau costume à oreilles pointues conçu à partir d’une camisole de force afin de s’évader de ce cauchemar auquel il ne croit pas. Une remontée à la surface qui se fera en plein milieu du désert, avec pour unique compagnon de route la tête du Joker enfermée sous une lanterne de verre. Atmosphère post-apocalyptique, tout n’est que ruine et débris. Le Dark Knight se fera ramasser sur la route par Poison Ivy pendant sa longue marche au milieu de tout ce chaos ambiant.
Il s’est absenté depuis trop longtemps. La société a basculé dans la folie, l’homme d’acier est mort et les rares super-héros qui ont survécu vivent sous terre menés par Diana Prince. Le chevalier masqué est déconcerté et Wonder-Woman lui fait une petite piqûre de rappel. En réalité le vrai Batman est décédé lui aussi depuis pas mal de temps. Le personnage que nous suivons est un clone issu d’une technologie régénératrice utilisée par Alfred tous les vingt-sept ans pour que chaque génération ait son protecteur de Gotham mais équipé de la mémoire de son prédécesseur. Coup de massue sur le crâne, tout ce joli monde évolue dans un futur proche mais sinistre. Il n’y a pas que les héros qui ont disparu, les vilains les ont accompagnés aussi dans cette épuration des « légendes ». Le nouveau mal incarné se nomme Oméga. Il fait régner la terreur avec un signal de contrôle mental interplanétaire, on baigne en plein régime totalitaire. La mission de cette nouvelle incarnation de la chauve-souris est de conduire les survivants jusqu’aux portes d’Hadès ou contrecarrer les plans d’Oméga le mégalomane. A vous de lire la suite !
Scott Snyder parachève sa vision du justicier de Gotham City d’une manière assez étonnante. Son histoire démarre sur une approche psychanalytique style Arkham Asylum mais bifurque rapidement sur le genre Kingdom Come. Sa version se veut plus humaine, le surhomme tente d’accomplir le bien du mieux qu’il peut sans trop savoir parfois comment faire ou tout en faisant de mauvais choix. Les protagonistes sont faillibles là où le passé, présent et futur se mélangent. Fatalement, tout part dans tous les sens. Scénariste qui fût d’abord nouvelliste avant d’entamer une carrière florissante dans le comics, il a tendance parfois à avoir une narration étirée qui amène à des sagas qui s’étalent un peu trop. Mais pour le cas présent, il en est tout autrement car le format court est plus simple à digérer. Une « monture » digne d’un travail d’architecte qui en plus attache beaucoup d’importance à intégrer le décor et l’architecture de la ville à ses histoires pour instaurer un climat de plomb. La page explicative en début de volume aide à une meilleure compréhension et appréhension de la mésaventure proposée avec les éléments parsemés ici et là depuis La Cour Des Hiboux jusqu’à La Relève et Batman Métal. Last Knight On Earth est une lecture qui peut au départ perturber, mais reste agréable et demande beaucoup d’attention.
Concernant l’aspect séquentiel, toute l’équipe créatrice responsable du New 52 est de retour aux manettes. Greg Capullo au dessin, Jonathan Glapion à l’encrage et FCO Plascencia aux couleurs.
L’illustrateur qui a croqué Spawn sur une longue période, est l’artiste rêvé pour l’univers très sombre et urbain du Caped Crusader. Dessinateur professionnel jusqu’au bout des doigts, il tient ses deadlines et a su poser et imposer sa patte sur l’un des rares personnages de comics qui se plie au mieux à l’interprétation. Les pages de Capullo sont impeccables et fignolées jusque dans le moindre détail. Elles sont riches d’un trait noble et vigoureux. Mais aussi limpides, nettes et précises. En bref le bougre sait tenir un crayon. Créateur virtuose et méticuleux qui fait preuve d’un travail très professionnel avec talent et panache.
Jonathan Glapion bonifie d’encre de chine une mise en page déjà solide, son coup de pinceau suit la puissance du crayonné avec respect mais apportant sa touche personnelle au maître de l’ouvrage. Il applique sur la feuille de papier le liquide foncé afin d’atteindre un régal de noirceur. C’est ténébreux, ombrageux donc appréciable.
La mise en couleur de FCO achève le tout grâce à des nuances alternées qui se veulent froides, étouffantes, métalliques, chaudes, électriques, dérangeantes pour mieux servir l’atmosphère énigmatique du script. En bref une mécanique graphique bien huilée de bout en bout.
Hormis leur production Batman, je ne saurai trop vous conseiller quelques titres des deux acolytes.
Swamp Thing, American Vampire, Severed, The Wake et Wytches pour Scott Snyder.
Greg Capullo a lui aussi quelques belles réussites à son actif. The Creech, Haunt et Reborn.
Pour finir Batman Last Knight On Earth reste un beau point final déroutant de l’ultime saga fournie par cette team artistique.
Chronique de Vincent Lapalus.