Oyez oyez, belles demoiselles et beaux messieurs. Venez écouter l’histoire incroyable que m’a raconté le très regretté et attachant Hubert ! Un conte mirobolant, agrémenté des rayonnantes enluminures de son comparse de longue date, Zanzim. Tout cela mis en page avec délicatesse par les éditions Glénat. Seigneurs et Gentes dames, suivons Bianca, qui par un tour de passe-passe s’en va à la découverte de l’« Homme ».
La jeune Bianca vit à cette époque, où pères et mères choisissent votre futur époux. Mais voilà la demoiselle, n’est pas de nature facile et veut avoir son mot à dire. Pourtant, elle a de la chance, son prétendant est jeune, à peine quelques années de plus qu’elle et il est beau. Pour elle, ça ne suffit pas. Pourquoi ne peut-elle pas en savoir plus sur Giovanni avant de devoir se lier à lui définitivement ? Heureusement, la sœur de sa maman va la prendre sous son aile. La matriarche trop prise par Luigi son petit dernier, n’a pas le temps de s’occuper des élucubrations de sa cadette !
Arrivée chez sa tante, celle-ci lui dévoile un secret de famille. Elle possède une « peau d’homme », que les femmes de leur lignage revêtent depuis des générations. Ce camouflage donne la possibilité de se fondre dans la masse de la gente masculine. Bianca toute excitée, enfile cette deuxième peau et devient « Lorenzo ». Après plusieurs essais pour ressembler intégralement à un homme, elle file comme un jeune conquérant à la rencontre de son futur bonhomme. Si le premier contact la laisse un peu pantoise et sans voix « ce bellâtre est bien décevant », elle ne désire pas en rester là. Suite aux paroles de sa chère tantine, la pucelle décide de prolonger ses investigations… La jouvencelle se rendra compte à ses dépens, que son joli courtisan n’est pas du tout attiré par la gente féminine. Une folle farandole emporte alors les deux amants.
Ce n’est pas la première fois qu’Hubert aborde le sujet de l’homosexualité. C’est aux éditions Glénat que sont parus La ligne droite, avec au dessin Marie Caillou (2013) et La nuit mange le jour, dessiné par Paul Burckel (2017). Ces deux titres sont résolument écrits dans une forme plus tragique, voire même très sombre pour le deuxième. Peau d’Homme est clairement composé sur un ton plus léger.
Le graphisme et le découpage de l’album y sont aussi pour quelque chose. Zanzim valorise les expressions des personnages en délaissant les détails des paysages et décors. Cela donne une dynamique étonnante et terriblement vivante à l’histoire. Les images défilent telle une ritournelle endiablée. Parfois des pages exécutées de façon classique, case par case. Par la suite, il décline ses personnages sans aucun décor, puis nous amène vers de très belles planches, pleines pages, où nous pouvons suivre nos héros comme dans des tableaux d’Escher, spécialiste des labyrinthes et des vues plongeantes. Ça donnerait presque le vertige… J’en raffole et j’en redemande.
Zanzim et Hubert, ont travaillé sur plusieurs ouvrages. Ils auraient pu se côtoyer lors de leurs études aux Beaux-Arts, mais ils ne se sont jamais croisés. C’est grâce au dessinateur Yoann qu’ils se sont finalement rencontrés, pour mon plus grand bonheur. Ma première rencontre avec ces deux artistes et surtout le trait acéré de Zanzim fut leur magnifique bande dessinée, La sirène des pompiers éditée par les éditions Dargaud. La touche personnelle de l’illustrateur est le nez pointu dont il affuble ses personnages et cette allure un peu dégingandée. Hubert, touche à tout, a sorti de son chapeau magique, une foison de titres, aux thématiques les plus diverses. SF, polar, BD historique, jeunesse et j’en passe. Moi, j’ai un faible tout particulier pour ses récits plus intimistes (voir les deux nommés plus haut) ou ceux plus proches du conte. Beauté, Les Ogres-dieux et Le Boiseleur . Sensible et poète, sa manière d’écrire est un enchantement. Il peut être drôle ou triste, engagé et tourmenté.
Hubert, nous a quitté prématurément le 12 février 2020. Peau d’homme est donc le dernier titre qui réunit ces deux auteurs d’exception. Mon cœur est toutefois un peu moins triste de cette nouvelle, il se murmure que dans un futur plus ou moins proche sortira le tome 2 du Boiseleur et le tome 4 des Ogres-dieux….
Nul doute, qu’à la lecture de ce récit, bien des fiancées et des fiancés rêveront de posséder une « peau d’homme » pour parcourir le monde à la découverte de leur futur(e) promi(se)s…
Chronique de Nathalie Bétrix
©Glénat 2020, Hubert et Zanzim, Peau d’Homme