La guerre des Lulus: Lucien

Lucien est le sixième opus de la saga réalisée par Régis Hautière et Hardoc. Éditée par Casterman, La guerre des Lulus a brillamment comblé un vide. Les auteurs sont partis du constat qu’il y avait assez peu de choses sur la première guerre mondiale à destination des enfants. Les boutiques des musées proposent une littérature abondante adressée aux spécialistes, les albums de Tardi sont évidemment et à juste titre bien représentés, mais il n’existait quasiment rien à destination d’un public de jeunes curieux, friands d’illustrés et bandes dessinées.

Or les deux auteurs qui ont commencé leur carrière dans le neuvième art ensemble en 2002 avaient une envie de récit jeunesse et l’idée s’est rapidement imposée de proposer à leur éditeur un one shot sur la période. Celui-ci a compris le potentiel du projet et malgré la conjoncture moins favorable aux séries les a invité à réfléchir en ce sens. Régis Hautière a eu l’excellente idée de choisir comme acteurs principaux des enfants. Quant à Hardoc, le sujet était pour lui assez évident. Il est né en Picardie, a joué gamin dans les tranchées, vivait entouré de monuments aux morts et avait un oncle qui tenait dans un corps de ferme un musée sur la guerre dans lequel il se rendait fréquemment.

Les compères ont pris le temps d’installer une intrigue qui a dès 2013 et le premier album rapidement trouvé son public car elle parle aussi bien aux enfants et aux adultes qu’aux élèves et enseignants. Elle est entrée dans les écoles où elle s’est rapidement imposée. C’est avant tout une fiction, la résurgence d’ambiances mais aussi le rappel d’une insouciance liée à l’enfance à un moment où tout semble s’effondrer.

Dans ce volet comme dans les prochains à venir, le scénariste s’attarde sur chacun des acteurs principaux. Ici c’est le tour de Lucien. Pensionnaire de l’ hôpital de Troyes où il récupère de ses blessures, il livre à une sympathique infirmière ses premières années avant la guerre. Il se remémore son arrivée à l’orphelinat de Valencourt et sa rencontre avec ceux qui allaient devenir ses meilleurs amis. On alterne régulièrement entre des images de l’enfance, les petites bêtises et chamailleries et le quotidien en novembre 1918 d’un jeune adulte au futur très incertain. Régis Hautière charme son lectorat avec un récit tendre et sensible, éveillant nostalgie et bons souvenirs. Certes les chérubins ne se font pas de cadeaux mais ils forgent de solides amitiés en des temps ou le premier conflit mondial n’a pas encore ravagé la France.

De son côté, Hardoc met habilement en cases une narration dans laquelle son héros jongle entre deux moments de sa vie et le moins qu’on puisse dire est qu’il a bien géré le défi et l’alternance rajeunissant ou vieillissant son héros au gré des pages.

Son dessin semi réaliste et sa technique traditionnelle conviennent parfaitement au récit offrant un rendu charnel et tactile que seul permet l’usage du pinceau et de l’encre de Chine. Sa prestation graphique est un bel hommage aux illustrateurs des années 20, elle est exigeante, juste et crédible. C’est aussi dans cette optique qu’il écrit les textes manuellement.

Les recherches réalisées sont évidentes, elles contribuent à ravir un public au bagage historique plus volumineux.

Pour ses couleurs qui collent à l’époque, le dessinateur bénéficie de l’aide précieuse de David Perimony pour les aplats ce qui lui laisse davantage de temps pour se consacrer aux éclairages et textures et permet en conséquence de nous ravir une fois par an avec un nouveau volet.

Parce qu’elle est à la fois historique, didactique et ludique, qu’elle permet une double lecture tout à fait intéressante et pertinente La guerre des Lulus est une BD qui fédère. C’est en plus une belle histoire d’amitié entre des gamins attachants mais aussi entre des artistes qui conjuguent plaisir et efficacité ce qui est bien souvent la clé du succès.

©Casterman, La guerre des lulus 2019.

 

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