La Ligue des Gentlemen Extraordinaires: La Tempête

Vient le chant du cygne pour les défenseurs de la perfide Albion. La Ligue des Gentlemen Extraordinaires : La Tempête par Alan Moore et Kévin O’Neill chez Fusion de Panini Comics. L’ultime production du magicien de Northampton se clôt comme ses petites sœurs du label ABC Comics, sous une déferlante cataclysmique artistique.

Se déroulant quelques semaines après la fin du cycle Century, qui voyait la mort d’Allan Quatermain suite au combat mené contre l’antéchrist, histoire qui s’étalait sur le vingtième siècle et dont la Ligue désolidarisée de la monarchie britannique suite à l’affaire de Big Brother, s’était trouvée un nouveau meneur: Prospero.

Satin, super-héroïne venue du trentième siècle, revient au vingt et unième pour prévenir d’un désastre imminent. Faisant partie de l’équipe des sept étoiles, première équipe de super-héros anglais, elle croisera sur sa route la nouvelle « Ligue » composée de Mina Murray, Orlando (personnage fictionnel ayant la capacité à changer de sexe selon les circonstances) et Emma Night, ex M du MI5 d’abord à la poursuite de la fameuse Ligue et ralliée par la suite à leur cause. Toutes trois devenues immortelles grâce au puits de Ayesha, elles poursuivent leur quête pour protéger le royaume et accessoirement le monde sous les directives du Duc de Milan. Une catastrophe planétaire les guette et ces drôles de dames parcourront le monde à la recherche d’indices avec l’aide du petit-fils du célèbre Capitaine Nemo, lui-même ancien compagnon d’armes de la muse de Dracula.

Nous comprendrons que ce grand final n’est autre qu’une formidable fumisterie, et que les diverses incarnations de la fabuleuse Confédération des Gentilhommes n’a été crée au fil du temps que pour entretenir et œuvrer aux représailles du royaume des fées menées par Prospero et la reine Gloriana contre l’Angleterre suite à leur bannissement. Quitte à réduire en cendres la planète Terre complète. La bataille du folklore contre la monarchie des hommes, dans l’univers victorien si cher à Alan Moore, grand prédicateur de ce maelstrom éditorial deviendra en réalité une course pour la survie. Le trio de choc aura pour mission de trouver la meilleure solution possible au chaos ambiant.

Partant du concept de Philip José Farmer, c’est-à-dire la cohabitation de tous les personnages de fiction dans un seul et même univers, Alan Moore franchit le pas et crée un monde où les personnages de la littérature classique ou du domaine public se mélangent à la notion de super-équipe propre au comics. Démarrant de manière iconique dans les deux premiers volumes, la série est devenue petit-à-petit beaucoup plus littéraire et décomplexée. Le scénariste anglais maîtrise bien son sujet et parsème à chaque page des références venant de tous les horizons, du roman, en passant par la bande dessinée, les films, les séries télévisuelles, les chansons etc. En bref, un melting-pot d’idées plus farfelues et ingénieuses les unes que les autres, un gouffre sans fond. Grand spécialiste, théoricien, fin connaisseur et innovateur des récits de surhommes, Alan Moore nous concocte des mésaventures aux ramifications tarabiscotées tout en étant rythmées, riches, denses et accrocheuses. Une belle odyssée space opera-pulp-moderne.

Le graphisme pour ce dernier volet, survole toute la palette artisanale du neuvième art depuis sa création jusqu’à nos jours. Le trait conjugué alternativement au style bichromique (imprimés avec généralement comme deuxième couleur le rouge ou le vert ), au psychédélisme de la 3D et sa paire de lunettes fournies avec, au roman photo pour finir avec la technique plus traditionnellement quadrichromique propre à la bande dessinée, le tout au format d’édition « strip » des pages de journaux, .

Pour définir l’art de Kevin O’Neill, quoi de mieux que les mots d’Alan Moore lui-même : « C’est l’artiste idéal. Il laisserait évoluer la bande d’une façon complètement nouvelle. Le dessin de Kevin est très méticuleux, mais il y a dedans un côté exagéré et cartoonesque. Cette souplesse caricaturale apporte une grande richesse d’émotions à la série…La dimension que procure le dessin de Kevin est fantastique ». (Les Travaux Extraordinaires d’Alan Moore. Page 152. Georges Koury TwoMorrows publishing).

Au final La Ligue Des Gentlemen Extraordinaires est une œuvre exigeante, parfois très difficile d’accès, le lecteur ne sait pas souvent dans quoi il s’embarque ou met les pieds. Mais elle est menée par deux artistes complètement frappadingues et cultivés ne prenant pas leur lectorat pour un imbécile tout en gardant une touche so british qui fait le charme de l’ouvrage. La savourer, en prenant le temps d’une bonne dégustation , c’est un peu comme rentrer et s’asseoir dans une brasserie géante aux multiples influences.

Chronique de Vincent Lapalus.

 

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