Black Badge

Black Badge, où comment le trio créatif Matt Kindt/Tyler et Hilary Jenkins, les responsables de Grass Kings toujours chez Futuropolis, transforment quatre petits éclaireurs en enfants-soldats parachutés dans de réelles missions d’espionnage pour une agence secrète gouvernementale.
One-shot de 336 pages, divisé en douze chapitres, narrant les aventures d’adolescents orphelins où en passe de l’être, qui sous couverture de scoutisme et la vente de gâteaux opèrent en black-op diverses besognes pour un bureau occulte. Allant de l’exfiltration, plastiquage d’infrastructures, mouvement contestataire pour renverser l’autorité. Au stage de survie à laquelle il n’existe pas de seconde place sinon la mort. Toutes ces péripéties au final afin d’affronter différents escadrons de scouts, le black n’étant pas le seul « badge » (groupe au code couleur bien spécifique) à exister, et un ennemi invisible à la main crocheteuse. Kenny, Cliff, Mitz et Willy le nouvel arrivant forment l’insigne noir, envoyés au front pour des aventures à la fois trépidantes mais périlleuses. Je n’en dirai pas plus pour ne pas spoiler et gâcher le suspense.
Matt Kindt se penche de nouveau sur l’espionnage, lui qui m’avait émerveillé avec 2 Soeurs (Editions Rackham) et Super Spy (Futuropolis). Très loin du style James Bond dans des histoires tirées par les cheveux et autres gadgets farfelus, l’auteur a abordé le sujet d’une manière plutôt réaliste. Ces garçons qui n’ont plus rien, sont recrutés et envoyés au casse-pipe comme des adultes et qui au pire ne manqueront à personne si ils viennent à disparaître. Qui entre parenthèses, rappelle furieusement la campagne d’embrigadement menée par la CIA sur les campus universitaires. Tout y passe, du syndrome post-traumatique à la paranoïa. Contre-espionnage, enquête sur la disparition de l’un des leurs. Du conditionnement à la maîtrise de toutes les techniques pour survivre dans un environnement hostile, il ne reste malgré tout que des enfants qui mènent une vie pas tout-à-fait ordinaire. Jusqu’à se poser la question de savoir, travaillent-ils pour le bon camp ? Kindt nous concocte un récit solide et à tiroir, où le cliffhanger guette à chaque coin de chapitre. Façonneur à l’univers mystérieux, suspicieux et labyrinthique. On reste scotché à son exemplaire, immersion totale dans le récit de genre.
Concernant l’aspect visuel, Kindt cède la place et la touche artistique au couple Jenkins (Tyler et Hilary). Duo instigateur sur Grass Kings, le dessin est à la fois simple et représentatif. Ni trop épuré, ni trop chargé. Tout en sobriété mais au contour anguleux. Une composition claire pour une parfaite compréhension rétinienne, qui laisse surtout le champ libre à madame la spécialiste en teinturerie. Une mise en couleur me paraissant plus européenne qu’américaine, le pinceau y va avec bonheur et abondance. La gouache, l’acrylique, les pastels et l’ultime chapitre travaillé à l’aquarelle. La coloriste déploie un savoir-faire chromatique large et tout en habileté pour rendre justice à son dessinateur de mari. Une association qui cause une intense admiration.
Pour conclure Matt Kindt est devenu un auteur important dans la ionosphère du comic-book, tout comme son collègue Jeff Lemire. Succès largement mérité, tellement ces deux artistes comprenant aussi Paul Pope et David Rubin entre autres, tous ces architectes de papier que l’on n’enferme pas dans des cases et qui explorent toute l’étendue le neuvième art. Jouant avec la conception d’une histoire ou du livre-objet en lui-même. Explorateurs et innovateurs se (re)trouvant à la croisée des chemins. Juste de magnifiques voyages…vous m’excuserez, je m’emballe peut-être un peu trop. Je suis simplement admiratif du travail de Matt Kindt.
Jetez-vous sur 2 Soeurs, Super Spy (sus-mentionnés), Dept H, Du Sang Sur Les Mains pour sa construction scénaristique saisissante et implacable et Histoire Secrète D’un Géant de Matt Kindt en créateur complet.
Vous avez aussi le choix du Kindt « simple » scénariste avec le présent Black Badge, Ether, Grass Kings (cité plus haut lui aussi), Ninjak, Rai ou en lecture jeunesse sur Poppy Et Le Lagon Perdu.
Suivez mon conseil et ruez-vous sur n’importe laquelle de ces oeuvres, vous ne serez pas déçus.

Chronique de Vincent Lapalus.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s