Avec Le roi de paille, Isabelle Dethan signe chez Dargaud une fiction palpitante dans un décor historique époustouflant.
Après avoir lu un article sur le rituel Babylonien dans une revue spécialisée, l’autrice s’est intéressée à cet usage cruel qui consistait à substituer un individu au roi pendant une courte période supposée maudite. Le souverain se retirait pendant que son remplaçant attirait sur lui les ondes néfastes avant d’être sacrifié lorsque la conjoncture astrale se révélait meilleure permettant au despote de retrouver son trône dans de meilleures conditions.
Si la pratique est aujourd’hui bien connue, l’incertitude subsiste quant aux conditions de sélection du supplicié. C’est ce mystère que la scénariste utilise pour bâtir son récit veillant comme toujours à être irréprochable sur les dates, les coutumes et l’ architecture.
Elle a inscrit la narration à un moment ou la concurrence entre les Empires Byzantin et Égyptien est à son paroxysme. Les monarques s’affrontent dans une guerre de cent ans avant l’heure pour étendre leur domination.
Alors que la confrontation bat son plein, le grand prêtre de Babylone recommande à son seigneur Nabuchodonosor d’avoir recours au rite. Au même moment, les deux enfants du pharaon Ahmosis II tombent entre les mains de l’ennemi qui en fin politique, espère profiter de cette prise bénite pour sacrifier le descendant de son rival, envoyer à l’ensemble de ses vassaux un signal fort et asseoir sa domination.
Cette première partie de diptyque intitulée la fille de Pharaon nous présente deux civilisations au firmament à travers des personnages principaux machiavéliques ou déterminés : des souverains calculateurs et une fratrie éduquée, attachante, la jeune Neith féministe avant l’heure et son frère aimant.
Si l’intrigue nous hameçonne lentement, c’est son cadre qui nous laisse admiratif. Les décors occupent la première place, justifiant une pagination généreuse, la suppression de certaines marges et un dessin doux, agréable et précis.
Isabelle Dethan a travaillé à l’encre pour les premiers plans puis au crayon et à l’aquarelle pour les suivants.
Le soin tout particulier consacré à la colorisation est la plus-value de cet opus pensé directement en couleurs.
On perçoit assez rapidement le plaisir éprouvé par la dessinatrice pour imaginer des ruines au temps de leur splendeur, la tour de Babel et les jardins suspendus mais pas que…
Elle restitue superbement la magnificence, l’éclat, la richesse des deux civilisations avec des couleurs chaudes comme le désert pour l’Égypte, l’ocre, le rouge, le vert, le bleu puis un bleu magnifique pour Babylone.
Le roi de paille est un récit d’aventure captivant qui bénéficie de la caution historique de deux égyptologues reconnus. Destiné à un public ado-adulte, ce premier épisode dont on connaîtra l’issue en septembre impressionne complètement par la technique aboutie de l’artiste et son rendu splendide.