Retour de l’équipe des super-dégénérés Doom Patrol par Grant Morrison, scénariste écossais génial mais fou et Richard Case, illustrateur émérite. Nouvelles aventures surréalistes et psychédéliques en format brique chez Urban Comics.
Le robot à cerveau humain, la schizophrène possédant soixante-quatre identités à super-pouvoirs, le transgenre alchimiste à bandelettes et l’ado à tête simiesque matérialiste de cauchemars…en bref la plus belle brochette de déséquilibrés revient pour à peu près quatre-cents cinquante pages d’histoires frappadingues qu’il est difficile par moments à expliquer. Formant une équipe du bizarre, ce quatuor assez spécial devra affronter les agents de N.U.L.E.P.A.R. (agence gouvernementale pour la normalité du monde), une guerre extraterrestre, aider un super-héros tombé dans l’oubli dans son combat contre le Pentagone, un pseudo Punisher moustacho-phobe, une peinture vivante absorbeuse du tout. Et la toute nouvelle incarnation de la confrérie maléfique du Dada de Mister Nobody, les super-vilains et adversaires premiers de la Doom Patrol.
Que dire de ce titre-ovni, déroutant au premier abord mais pourtant passionnant pour tout lecteur de comics « indé » qui se respecte. Morrison est un scénariste qui part très loin dans ses délires. Ses intrigues sont souvent tarabiscotées, mélange de super-héroïsme, de mythes religieux divers, conspirations gouvernementales, autres théories et croyances à la magie du chaos. Un bordel joliment foutraque, mâtiné de folie douce, teinté de mésaventures abracadabrantesques avec le minimum syndical de suivi éditorial pour un maximum de dingueries. Non sans un humour gallois, voir de bon aloi (Robotman qui se demande fréquemment pourquoi il s’est fourré dans de telles situations). Lecture exigeante mais dont le maître-mot reste l’imaginaire sans limite avec un grand I, poussé jusqu’à l’extrême. Record battu par Morrison dans l’exercice pour cet “X-Men” inversé.
Richard Case pour sa part, sans être un tâcheron ni une superstar, livre une excellente prestation graphique sur cette série. Sa puissance ne réside ni dans le trait, la mise en page, les cadrages ou autres perspectives mais bien dans son art de coucher sur papier la démence d’un scénariste très inspiré par l’extravagance de ses personnages, l’irréel et le tangible du récit de genre comme par exemple ces êtres dont la tête est à géométrie variable, la représentation des multiples personnalités de Crazy-Jane ou le sadisme de certaines situations etcetera.
Un artiste 100 % au service de l’histoire, qui délivre une belle performance malgré la difficulté des scripts de Morrison.
Mention spéciale à Simon « Métal » Bisley aux couvertures.
Estampillée Vertigo, sérieux gage de qualité sur énormément de titres du label pour tout amateur éclairé (pour l’esprit) et/où connaisseur (pour le goût). Doom Patrol reste une bande dessinée à la lecture riche en expérimentations, à la métaphysique conceptuelle où le déglingos s’invite à chaque chapitre.
Chronique de Vincent Lapalus