Il m’est arrivé un truc étrange ! J’ai lu une bande dessinée tout en camaïeu de gris et pourtant, j’ai tout vu en couleurs… La bigaille, histoire d’une utopie culturelle collective, scénario et dessins de Thibaut Lambert, se lit d’une traite et embarque dans l’aventure réelle de quinze copains qui, résidant loin des pôles de culture habituels, ont décidé de créer le leur et de l’offrir à leurs concitoyens…
Avec la parution de cet opus, la maison d’édition Des ronds dans l’O propose un voyage en bande dessinée-documentaire dans la genèse d’un bar associatif, La Bigaille, tenu par des bénévoles de tous horizons depuis 10 ans. Régulièrement renouvelé, c’est un commandement collégial revendiqué qui oeuvre dans un esprit de passation de savoirs et de compétences pour faire vivre le projet.
La Bigaille, c’est un nom tiré du patois charentais, un ensemble de petites choses qui individuellement ne valent rien… mais rassemblées ont une force, et c’est exactement l’idée défendue : tout seul on va plus vite mais ensemble, on va plus loin…
C’est à travers les regards différents de ses membres que Thibaut Lambert raconte la naissance du projet, le parcours administratif compliqué, la recherche d’appuis solides dans ce coin de campagne, la quête du local destiné à accueillir la belle idée, les travaux nécessaires dans une démarche éco-responsable, les nombreuses embûches aussi… Patience, motivation, conviction.
Il raconte et peint avec rigueur la mécanique d’horloger sur laquelle repose une structure comme celle-là, bien souvent méconnue, et dont les rouages sont constitués de bonne volonté et de temps offert au service d’une programmation artistique et culturelle conviviale et de qualité, et où tout un chacun peut trouver son bonheur. Les anecdotes y trouvent leur place facilement sous le pinceau habile et humain de l’auteur et rapidement on constate que ces gens nous ressemblent sacrément… La mise en page est limpide, alternant les vignettes classiques et les dessins pleine page ; ce rythme agréable de lecture est aussi donné par quelques clins d’oeil comme la quête des troubadours ou le tuto paille avec les trois petits cochons que je vous laisse le soin de découvrir ! « La Bigaille », c’est une couverture pleine de gens et sourires, c’est 120 pages pleines de bienveillance et d’élan pour le bien commun où la confrontation n’est pas clivante mais utile à la vie du projet, où les problèmes se surmontent en se serrant les coudes.
Hymne à l’esprit d’équipe, à l’entraide et à la solidarité pour un objectif plus grand que nos p’tits nombrils, « La Bigaille » de Thibaut Lambert fait drôlement du bien. Quand la BD sert à porter de belles histoires de réussite comme celle-là, sous le trait efficace et doux d’un artiste talentueux, je l’aime encore plus que d’habitude !
PS : vous trouverez facilement sur les réseaux toutes les infos utiles sur la Bigaille… histoire de dynamiser vos prochaines vacances à Oléron 😊 !
Chronique de Louna Angèle

© Des ronds dans l’O, 2022.