Les éditions Dupuis se lancent dans une nouvelle série jeunesse, d’inspiration manga et fantastique, indiquée pour les 9 ans et plus : Les bras armés. Le tome 1, Les désignés, raconte les péripéties de jeunes sélectionnés par Mademoiselle Mako, bras armé des îles d’Ezel, qui recherche son successeur. Lourde tâche, alors que les dégénérés cherchent à se venger… Si le scénario du vieux maître ayant besoin que de nouveaux disciples soient formés est un grand classique, il fonctionne toujours aussi bien, et séduira le public jeune comme les plus grands, grâce à une bonne dose d’humour, et le partage de valeurs intéressantes comme l’entraide et le dépassement de soi. L’album est d’ailleurs un coup de cœur pour ma fille de 9 ans. Pog, dont nous avons apprécié l’écriture de Trappeurs de rien, Zoya s ‘est chargé avec soin du scénario, et Enrico Orlandi, dessinateur italien, démontre son talent.
La détermination est à l’honneur dès la première de couverture, qui nous dévoile une équipe diversifiée et soudée. Parmi eux, Fidel vit heureux, de pêche avec son père et de jeux sur la plage avec son amie Tima. Sa vie est chamboulée lorsque la vieille – mais encore pleine de vigueur – Mako l’appelle, ainsi que Tima et trois autres adolescents, à la rejoindre pour suivre la formation de bras armé. L’objectif est de devenir suffisamment endurant pour protéger leur village, et porter l’armille, objet magique enveloppant jusqu’à la mort la main de celui qui la porte. Est-ce parce que Piomer a dépassé l’âge lui permettant de porter l’artefact qu’il est sévère ? L’entraînement est intense et douloureux. Courir sur de longues distances sans chaussures, résister à l’assaut des insectes en étant enterré, tenir en équilibre au-dessus de l’eau des heures durant… Heureusement, le groupe de jeunes fait preuve de solidarité et de ténacité. Une belle complicité se noue, et alors que le fils du bourgmestre s’illustre par ses râleries hautaines, Ysak, un autre garçon de la bande, se révèle un précieux allié, tant par sa connaissance de la nature que par sa joie, sa gourmandise et son empathie. La planète Morza possède son lot de créatures et objets exotiques, détaillés dans le petit lexique en fin d’album. Les dégénérés, anciens dieux dépossédés de leur armille, vont-ils perturber la sélection en cours ?
Les dessins, un brin cartoonesques, bénéficient d’une belle gestion des nuances de couleur et des ombres. Certaines expressions sont volontairement exagérées. Le découpage facilite une lecture entraînante. Grâce au format du livre, intermédiaire, une belle place est laissée à des pleines pages ou à des cases généreuses offrant des vues d’ensemble incroyables : chemin escarpé surplombant le village, racines géantes sur le parcours, marché empli de vie sur un ponton, etc. Les mouloutres, chabou et autres fourmis aux yeux oranges contribuent avec succès à nous immerger dans l’univers unique de Morza. Et lorsque les sortilèges magiques font leur apparition, ils se parent d’une aura surréaliste.
Retrouver un récit aux accents de Dragon Ball et de Koh Lanta aura pour les adultes une saveur particulière ; et l’esprit d’aventure et de défi qui souffle sur l’histoire embarquera tous les publics. Alors que le destin des jeunes prend une autre dimension, et qu’ils embarquent pour une destination nouvelle mais pas sans danger, le plus dur sera d’attendre la suite !
Chronique de Mélanie Huguet-Friedel.

© Dupuis, 2023.