Cette année, j’ai réalisé que l’intégralité des albums sélectionnés pour le prix jeunesse ABCD étaient d’une grande qualité, et méritaient d’être lus et connus. Et pas seulement par les jeunes. C’est ainsi que j’ai découvert le tome 1 de Lightfall : la dernière flamme. Un album magistral, par ses graphismes colorés aux traits fantastiques, son style évoquant les jeux de rôle et son scénario ambitieux à la hauteur des capacités du cerveau des enfants – à partir de 8 ans. Cette première bande dessinée de Tim Probert, directeur artistique d’un studio d’animation indépendant, a d’ailleurs reçu le Prix BD jeunesse de la ville de St-Malo et le Prix des libraires du Québec ; et a été traduit en plusieurs langues. Évidemment, ma fille et moi attendions le tome 2, l’ombre de l’oiseau, avec une grande impatience. En France, cette saga fantasy, rythmée et décalée, digne de Tolkien, paraît aux éditions Gallimard, qui ne nous offrent ici pas moins de 250 pages, et une somptueuse couverture souple au toucher de velours. Une élégante carte, à la toponymie manuscrite, introduit l’aventure en présentant les terres connues d’Irpa, aussi appelée mer de lumière.
Béa, jeune fille courageuse et indépendante, est partie à la recherche de son grand-père, cachant bien son jeu derrière son profil porcin et ses allures de vieillard perdu. Elle a rencontré Cad, son sauveur, un personnage improbable à tête de têtard, dernier survivant des Galduriens, doté d’une force insoupçonnable. A l’issue d’une bataille épique avec l’oiseau Kest, qui menace de détruire toutes les lumières d’Irpa, nos deux héros cherchent une solution pour sauver la planète. Ils partent à la recherche de l’esprit des eaux, censé leur apporter des réponses… Béa me fait beaucoup penser au jeune Atriou dans « l’histoire sans fin ». Elle connaît des moments d’abattement mais ne renonce pas, et va trouver dans les bas-fonds d’une rivière souterraine un dragon qui n’est pas sans rappeler Falkor, la magnifique créature du film. Les villes font face tour à tour à la fureur du terrible oiseau noir, qui déchaîne sa violence dans sa quête destructrice des sphères lumineuses. Mais l’histoire est aussi emplie d’humour et de clins d’œil, où le duo d’un voleur à la tire et d’un attachant Arsaï aux allures de maître Yoda a toute sa part.
L’illustrateur combine la beauté immense de tout un univers magique, avec ses plateformes flottant dans le ciel, ses créatures exotiques, drôles, originales et attachantes, et la force de ses dessins tout en mouvements et sentiments. Comme pour le premier album, je suis subjuguée par la variété, la profondeur, la densité des couleurs, qui s’harmonisent dans des tons adaptés au jeune public, avec toujours une touche d’espoir ou de clarté. Envoûtants bleus ciel, jaunes dorés, turquoises aquatiques, violets ensorcelants ! Certains paysages sont à couper le souffle, et le dynamisme des combats et des pouvoirs surnaturels déployés rendent les conflits très vivants. L’expérience du story-board se ressent à travers un découpage très soigné, attentif à varier les formats, et faire jaillir les scènes d’action. Sans oublier les onomatopées !
Cette magnifique épopée propose, telle une fable, de trouver ce que les émotions cherchent à nous dire. De voir au-delà de la peur, de la méchanceté pour trouver une forme de résilience qui sera capable de ramener la flamme sur Irpa. Il va sans dire que Lightfall est un grand coup de cœur pour ma fille et moi, comme pour de nombreux lecteurs ! L’auteur, qui apprécie la possibilité de création pure, directe (par rapport au monde de l’animation), nous livre qu’il fera au total entre 4 et 6 tomes, à raison d’un an et demi à deux ans entre chaque… Le plus dur va donc être l’attente pour chaque sortie et jusqu’au dénouement ! En attendant, si vous cherchez une idée de cadeau pour Noël, n’hésitez pas!
Chronique de Mélanie Friedel – Huguet


©Gallimard, 2022.