Mister Mammoth tome 2/2

Mister Mammoth ou comment un menhir d’apparence humaine arpente les rues de la grosse pomme afin de résoudre des investigations insolubles à l’aube des seventies. That’s amazing ! Autant être cash, il y a comme un parfum singulier qui se dégage de ce diptyque crée par Matt Kindt et Jean-Denis Pendanx pour les éditions Futuropolis. Sa lecture est donc chaudement recommandée.

Mammoth possède la carrure d’un Golem. C’est un mélange entre la Chose des Quatre Fantastiques et Philip Marlowe, son visage buriné et balafré rebute ses congénères. Meurtri par un passé douloureux, il prêche la non-violence mais est régulièrement passé à tabac par les badauds du coin. Pour libérer sa frustration et sa colère, Mammoth aime aller dans un coin tranquille pour casser des pierres.

Son intelligence est surdéveloppée, Mammoth est un brillant détective du calibre de Sherlock Holmes. Il trouve la solution aux problèmes sans même sortir de son bureau, son taux d’élucidation est remarquable. Pourtant le monolithe n’est attiré que par le défi de l’enquête inédite, celle qu’il ne pense jamais résoudre.

William Corona vient toquer à la porte de son agence, il souhaiterait prendre une retraite bien méritée seulement une lettre de menace accompagnée d’une photo signée par un certain Mr X vient entacher son magnifique projet. Le privé accepte le contrat, il doit démasquer le mystérieux expéditeur et comprendre ce qui le pousse à agir ainsi.    

Après avoir obtenu des renseignements grâce à son réseau d’indics, Mammoth découvre le coup classique. Corona aurait eu une liaison avec Vera, une collègue de travail, cela le grise. Une entrevue avec la maîtresse désavouée confirme qu’elle est hors de soupçon. Retour à la case départ…

Pourtant plusieurs indices relevés mettent en évidence un sigle particulier. Un œil est représenté sur des pilules et objets anodins, l’enquête se poursuit. Les cadavres se succèdent et on intente à la vie de Mammoth. Lui mettre des coups de couteau dans le lard ou une bastos dans le buffet, rien n’y fait.

Le colosse aurait-il enfin trouvé l’affaire impossible ? Cela se pourrait bien. L’enquêteur prodige ferait face au meurtre parfait car les traces ne mènent qu’à une impasse.

Matt Kindt manie l’art du retournement de situation comme personne, Mister Mammoth est un titre qui dépote. L’auteur construit un suspense à la pagination courte mais labyrinthique. Il embringue le lecteur dans un récit glauque fait de faux-semblants, de pistes improbables, de tueurs à gages et de crimes étranges. Après un démarrage classique dans le premier tome, le scénario prend une tournure radicalement différente voire complexe. Kindt brise les codes du genre et joue avec la narration. La trame scénaristique se déroule posément, les dialogues concis vont à l’essentiel. L’ambiance bluesy se conjugue merveilleusement bien avec ce jeu d’aller-retour. Le surhomme typiquement américain demeure présent dans une intrigue faustienne ne comportant aucune faiblesse. Sous sa plume, chaque personnage peut devenir un suspect potentiel. Matt Kindt nous mentirait-il impunément ? Dans une Amérique gavée de super-héros manichéens, cette possibilité n’est pas à exclure. C’est de nouveau la preuve qu’il est un scénariste à la fois fécond et brillant.

Jean-Denis Pendanx croque des planches amples, belles et aromatisées. Le dessin bouge, il flotte à l’intérieur d’un gaufrier friand de grandes images et doubles-pages. Il n’y a qu’à prêter attention à la représentation des bâtiments en arrière-plan qui sont empilés comme des Lego toujours plus grands et hauts. Le trait rocailleux se déploie à la manière d’un réalisme fantasmagorique. Le crayon se mélange au feutre, à l’encre de Chine pour accoucher d’une mise en page aussi charnelle qu’émotionnelle. Le choc entre l’ombre et la lumière est savamment dosé, il puise sa force à l’intérieur d’un éclairage tamisé. La subtilité des couleurs donne du relief au cadre, l’esquisse gagne en justesse et en allure illustrative. Un kiosque à journaux n’a jamais été aussi beau que sous le crayon de Jean-Denis Pendanx.

Pourquoi lire Mister Mammoth ? Tout simplement parce qu’un polar d’excellente facture est toujours bon à dévorer pendant son temps libre. Le mérite revient à une équipe artistique qui n’hésite pas à expérimenter pour prendre à rebrousse-poil et mieux nous stupéfier. Capisce ?

Chronique de Vincent lapalus.

© Futuropolis, 2022.

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