Profitons de l’été pour nous évader à l’autre bout du monde… C’est parti pour un voyage en pirogue ! Suite à la proposition géniale de l’auteur Joub, résidant alors en Guyane, de venir au festival du livre de Maripasoula, 10 auteurs – et pas des moindres – lui ont répondu : « présent ! ». Fabuleuse opportunité d’aller également à la rencontre des enfants dans les écoles.  La mission a provoqué un tel élan d’inspiration que les auteurs ont décidé de soumettre leur travail de terrain à la maison d’édition Futuropolis. Le projet de réaliser une bande dessinée collective sur ces terres exotiques et leurs résidents était né. « Maroni, les gens du fleuve », est paru en avril 2022. Si Joub et Nicoby structurent cet album grâce à leurs multiples contributions, la déclinaison des 44 histoires offre une belle variété de styles avec Olivier Copin, Jean-Luc Cornette, Étienne Davodeau, Emmanuel Lepage, Thierry Martin, Aude Mermilliod, Eric Sagot, Terreur Graphique et Jean-Louis-Tripp. Une fois tournée la magnifique première de couverture signée Lepage, où rouge et vert se marient dans un contraste saisissant, Gaëlle Cornaton, éducatrice à l’environnement, introduit l’album, par un texte détaillé, très juste et personnel, sur cette aventure hors-norme.

Au fil des pages, les planches relatant avec beaucoup d’humour les anecdotes de voyage alternent avec de délicieuses immersions contemplatives dans les magnifiques paysages d’Amazonie. Des fictions et reportages offrent une place centrale aux habitants si divers de ce département d’outre-mer. Puis surgissent des extraits de carnets de voyage, croquis alliant spontanéité et une grande qualité.  La Guyane ne se raconte pas, et pourtant les récits nous parlent. Richesse de la biodiversité. Difficultés de l’éducation. Manque de moyens et services pour respecter la devise de la France en ces contrées rurales, reculées. Orpaillage. Suicides. Premiers amours. Place des femmes. Spécificités culturelles des tribus. Zones grises du Suriname, juste en face, sur l’autre berge. De quoi appréhender tous les contrastes de ce petit bout d’Amérique si unique, devenu français. La promesse de belles rencontres est tenue : du piroguier ayant une connaissance intime du fleuve au vécu de Gaëlle Cornaton, en passant par la passion d’un artiste tembé…

Ce livre brasse les techniques de dessin et de narration, qui s’interpénètrent, se répondent, comme se mélangent les cultures des peuples de Guyane : Wayanas, Tekos, Bushiningués, Créoles, Brésiliens, Chinois, Métropolitains… Le résultat est remarquable. Case après case, le Maroni, fil rouge de cette coopération, est omniprésent. Majestueux. Dangereux. Attirant. Les paysages se construisent autour de lui. Les aménagements légers, les routes défoncées, les constructions parfois illégales. Les lianes, manguiers, palmiers, bananiers… Et puis le foisonnement de la vie. Les sourires et les jeux des enfants. Les chiens abandonnés. Et la pluie qui arrive aussi soudainement que massivement. Qui s’invite avec force, ou appelle au contraire à la douceur des souvenirs.

Cet album est riche en émotions. Les passages plus sombres s’équilibrent bien avec ceux très drôles ou emplis d’espoir. L’ensemble forme un chant d’amour pour la Guyane, son fleuve et ses peuples. Cette belle édition se conclut par la revue de la troupe : les auteurs, dessinés par Nicoby, et photographiés sur site, pour notre plus grand plaisir.

Hasard de la vie, j’ai une nièce qui est née à St-Laurent-du-Maroni. Alors je manque sans doute d’objectivité, puisque j’ai évidemment offert ce présent à mon frère, lui qui m’a raconté ses années guyanaises et m’avait ainsi fait découvrir ce territoire trop méconnu… Mais, vraiment : c’est un beau livre à offrir… Ou à s’offrir !

Chronique de Mélanie Huguet – Friedel