Mega-City One, mégapole, mégastructure, après les retombées des multiples guerres nucléaires, les gens sont parqués comme des porcs à l’abattoir dans d’énormes immondices bétonnées. Les quartiers ainsi que les rues dégueulent d’agressivité et d’animosité. Le pavé et les trottoirs déversent une violence hystérique. C’est un véritable cloaque. La pourriture est partout, ça pue ! Le Palais de Justice envoie ses meilleurs représentants pour maintenir l’ordre. Je suis Judge Dredd et j’aime autant vous dire qu’avec moi, tout est sous Contrôle pigé ! Vous en doutez encore ? Allez donc lire mes rapports de missions établis par Rob Williams, Chris Weston, Dylan Teague, Chris Blythe et Michael Dowling des éditions Delirium pour vous en convaincre. Matraquer la gueule du citoyen, c’est mon métier ok ?!
Un sérieux problème persiste dans la poubelle qui nous sert de cité, les forces de police sont sous le joug de la Brigade Judiciaire Spéciale. Judge Pin, la juge des juges, embarque le collègue McVay lors d’une intervention dans le secteur de Syd Mead. Cet imbécile aurait franchi la ligne jaune, il a fauté et doit en assumer les conséquences. Le souci est que l’aspirant Higbee conteste la décision. Je me permets de rappeler la bleusaille à l’ordre. Quelque-chose me titille car le cadet disparaît mystérieusement de la circulation. Mon instinct de superflic me hurle qu’une guerre interservices est sur le point d’éclater. Aurai-je à faire à un technocrate un peu trop zélé ? Cela mérite une enquête approfondie dans les districts abandonnés et irradiés !
Que dire de ce pauvre bougre de Klegg ? C’est un reptile issu d’une espèce extraterrestre dangereuse, il tente toutefois de s’intégrer parmi nous. Sa tête est mise à prix, tous les chasseurs de primes et autres pouilleux intentent à sa vie. Merde, non seulement je me farcis mon job mais en plus je dois me coltiner du babysitting forcé. Chuis pas là pour ça ! Le mieux pour tout le monde, surtout pour moi, serait que Klegg se trouve un boulot adéquat en Terres Maudites. Pffff…., ce lézard est un drokkard de première…
Vous voulez que je vous donne mon opinion concernant le fait de payer la population le 25 Décembre pour tenter de passer une journée de tranquillité sans criminalité ? C’est du grand n’importe quoi ! De telles conneries aussi saugrenues ne peuvent surgir que du cerveau de bureaucrates. Ces véroles capitalistes corrompues jusqu’à la moelle n’ont qu’à retourner se percher dans les cages à poules qui leur servent de bureaux. Je les surveille de près, mon lawgiver est chargé à bloc. Ils mériteraient un châtiment plus expéditif. Deux balles incendiaires, l’une dans le crâne et l’autre dans la poitrine. Avec moi, le problème serait rapidement réglé.
Quant aux bourgeois, eux devraient être cloués au pilori. A vouloir vivre au dessus de la plèbe dans une station orbitale, ces mécréants fortunés se croient tout permis. L’abus d’argent les pousse au délit, ils deviennent inévitablement des coupables. Si je m’écoutais, je les balancerais depuis les nuages afin qu’ils finissent en un joli graffiti rouge carmin sur le bitume. Des singes mutants sont employés comme main d’œuvre bon marché pour exécuter leurs sales besognes. Rien ne les arrête, ils vont jusqu’à exploiter de la racaille sous-évoluée. Ces sales macaques se tiennent à carreau lorsque le sifflement de mes cartouches perforatrices vient chuchoter sa douce mélodie au creux de leurs oreilles.
Enfin quitte à se faire plaisir, autant terminer sa ronde en beauté en allant exploser un satellite de la Défense équipé d’une intelligence artificielle en pleine défaillance. Ce genre de mission, ça vous regonfle le moral d’un agent taciturne et fatigué. J’aurai presque envie de rajouter vivement demain !
Rob Williams rédige des mains courantes…pardon…des récits sous tension au format histoires courtes sans que le rythme de la série n’en pâtisse. Il se dégage de mes aventures une touche limite sarcastique d’ailleurs. Le scénariste est un transfuge de la génération No Future, il rappelle furieusement cette longue liste d’auteurs britanniques qui pratiquaient un ton subversif et criaient à l’anarchie dans les pages du magazine 2000 AD, un pamphlet anti-establishment. Son style est rugueux et irrévérencieux. Depuis mes débuts, je suis la figure de proue d’un titre politisé, une critique acerbe de la société tout en étant un spectacle piquant voire grinçant. Moi l’antihéros badass par excellence, je me bats sans cesse pour donner une justification morale à mes actes. Tout cela pour vous signaler que je collabore malheureusement depuis des décennies avec de la vermine de scribouillards bonne à enfermer à perpétuité.
Au dessin, Chris Weston est épaulé par les coloristes Dylan Teague, Chris Blythe et Michael Dowling. Leur imagerie survoltée respire l’amour du labeur parfaitement exécuté. Le crayon est affûté, le tracé des contours ainsi que des lignes est gracieux. L’illustrateur adopte un découpage qui tape à l’œil, les cases respirent la clarté. Pour ne rien arranger, l’encrage s’applique de manière soignée. La sophistication esthétique ne manque ni de profondeur, de champ, de texture ou d’impact. La palette de couleurs se met à disposition d’un réel travail sur la lumière, les nuances s’abordent sur des tons urbains accompagnés parfois de pigmentations ardentes et stratosphériques. Eh ouais, juste pour signaler que j’ai d’la gueule à l’image ! M’est avis que c’est louche d’être aussi talentueux. Allo Central, je recommande une ablation des deux mains pour chaque artiste, terminé!
Je constate qu’un attroupement de lecteurs et d’abonnés s’est formé, Vous savez pertinemment que les manifestations de plus de deux personnes sont formellement interdites. Alors qu’est-ce que vous fichez encore ici, je n’ai pas été assez clair ? Foutez-moi le camp sinon je serai forcé de vous emprisonner pour troubles à l’ordre public et de jeter vos carcasses encore fumantes en iso-cubes. Allez circulez, DEGAGEZ !!!
Chronique de Vincent Lapalus


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