CAS DE FORCE MAJEURE Histoires de violences policières ordinaires

Cas de force majeure : histoires de violences policières ordinaires est la dernière réalisation en date de Remedium aux éditions stock, un album à la fois éclairant et perturbant qui met le doigt sur une réalité dérangeante.

Une fois de plus Gérald Darmanin risque de « s’étouffer » et c’est tant mieux. Ce petit livre est là pour lui rappeler que manifestement « il y a quelque chose de pourri au royaume de France » et que sa mission première qui consiste à veiller à ce que tous les citoyens soient traités équitablement est assurée de manière très approximative.

Après Les contes noirs du chien de la casse, un livre dessiné édité par Des ronds dans l’O dans lequel il évoque la vie en banlieue et l’échec des politiques successives menées en matière de logement, puis Cas d’école. Histoire d’enseignants ordinaires publié par Les Equateurs où il révèle l’incapacité de l’état à soutenir ses agents, le bédéiste engagé qui est également professeur des écoles est de retour avec une thématique qui lui est viscérale : l’égalité, fondement d’un vivre ensemble serein.

Pour ce livre dessiné, comme pour les autres, Remedium n’a rien lâché, il a refusé de céder aux intimidations et malgré la défection d’un éditeur, il a poursuivi sa route avec le courage et la détermination qui le caractérisent. Il démontre subtilement qu’un problème subsiste au sein de notre police, que l’ordre n’est pas maintenu de la même façon dans les cités et dans les beaux quartiers, que nos forces de police hélas ne sont pas toujours irréprochables et contiennent dans leurs rangs des individus auxquels il vaut mieux ne pas avoir à faire.

En préambule, avec beaucoup de lucidité, les problèmes sont posés puis illustrés par le biais d’affaires judicieusement sélectionnées. Il souligne  la quasi-impunité des policiers et l’influence indiscutable des images qui lorsqu’elles sont dévoilées changent la donne et mettent aisément en doute les explications et rapports.

Il ne faut pas céder à la facilité et conserver une certaine prudence, il y a parmi ces récits des affaires qui sont en cours d’instruction. Comme l’indique l’auteur avec le portrait d’Amar, il y a aussi des professionnels de la sécurité qui tentent de faire évoluer les choses mais il est difficile de faire bouger les lignes, de lever les tabous, l’état étant souvent le premier à masquer les erreurs humaines et dysfonctionnements.

La lecture de cet ouvrage nous fait passer par toutes les émotions, la colère d’abord, l’écœurement, mais surtout l’incompréhension. On est souvent proche de l’horreur et chamboulé.

Les textes sont travaillés et clairs, le dessin épuré est efficace, sans fioritures, clinique. La gravité s’impose naturellement.

Ce livre est destiné à ceux qui refusent d’ouvrir les yeux, ceux qui considèrent que l’introduction d’une matraque dans les fesses d’un individu sur une profondeur de 10 cm est un hasard fortuit, ceux qui trouvent normal qu’une interpellation dans les quartiers dits populaires puisse engendrer une humiliation, des dents cassées, une pression sur le larynx, un tabassage en règle et même la mort d’un homme.

Comment expliquer que nos forces de l’ordre s’opposent constamment à la captation vidéo des opérations ? Que la majorité des bavures présumées concernent des individus dont les noms ont une consonance étrangère ?

Cas de force majeure : histoires de violences policières ordinaires est un constat déconcertant, un livre militant, fort, pertinent qui a le mérite de rendre visible un malaise bien connu.

Il ravive l’espoir qu’un jour enfin nos politiciens ne ferment plus les yeux, prennent leurs responsabilités, dénoncent et sanctionnent correctement les abus. Ils gagneront alors immanquablement en crédibilité, seront davantage respectés et plébiscités.

Chronique de Stéphane Berducat.

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